
La galerie Ammar-Farhat où elle expose cette semaine explose de couleurs. Jaillissement spontané, joyeux, jubilatoire, ludique, le travail de l’artiste offre un bonheur contagieux…à première vue.
Cela fait sept ans qu’elle n’avait point présenté d’exposition personnelle à Tunis. Ce qui ne veut pas dire qu’elle ne travaillait pas. On l’a vue dans plusieurs expositions de groupe, sous différents thèmes, à Tunis, et à l’Institut du Monde Arabe, et en solo à Dubaï. Aujourd’hui, elle revient, ni tout à fait la même ni tout à fait une autre, avec une euphorie de couleurs et de matières, mais une profondeur de message et d’humeurs moins rose qu’il n’y paraît.
Elle aura beau dire que quand elle pose la question «La liberté, c’est pour quand?», c’était avant la révolution, ainsi qu’une grande partie de cette exposition, il est incontestable que l’air du temps a soufflé sur son travail : on y retrouve le «Dégage» emblématique, le «Help» qui suggère la mort de Chokri Belaïd, et si elle joue avec les mots, leur graphie, leur résonnance, leurs surprises, il n’en demeure pas moins que l’artiste est une caisse de résonance, et que rien dans son œuvre ne saurait être innocent. Quelquefois mieux vaut en rire qu’en pleurer, même si le rire grince. Et qu’on l’habille de couleurs flashy.
La couleur, cependant, donne le change, et offre à cette exposition la jubilation d’une palette totalement maîtrisée. Glaçant ses toiles de résine, Rym Karoui leur offre une matière laquée qui leur donne relief et densité. On imaginerait bien, une fois le soir venu, les personnages qui peuplent les cimaises de la galerie, le gattous, le rabbit, le roi fou, ou la kalba, descendre des toiles pour une sarabande effrénée, changeant allègrement de place, en lutins indisciplinés, jouant à cache-cache, et surprenant même l’artiste au matin venu.

Auteur : Alya HAMZA
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