Le musée fantôme



C’est dans les salles humides, dans un ancien palais du côté de Khaznadar- le Bardo qu’est répertoriée, mais déposée dans des conditions déplorables, une fabuleuse collection d’œuvres d’art. Le bâtiment en fin de vie ne répond pas aux critères de la conservation muséographiques : la nature et la qualité des matériaux, le plan des salles, la lumière, l’humidité, la température, critères essentiels, ne sont pas conçus pour sauvegarder les œuvres.

Celles-ci ont été acquises à tour de bras durant des années, des décennies par les différentes commissions d’achat du ministère de la Culture qui se succèdent. Nous aurons loisir et plaisir un jour d’en faire la présentation et la description.

 

Selon les hauts responsables du secteur, ces acquisitions seraient destinées à être exposées et regardées dans un musée d’art moderne. Cela fait des années, des décennies que l’on parle de ce musée qui fait défaut au pays au point que le projet est désormais vu comme l’Arlésienne du ministère. Un interminable chapelet de colloques, une cascade de séminaires à travers le pays ont été organisés sur le sujet. Une escouade de ministres ont promis l’installation de ce musée, des promesses viendront encore et rien de concret derrière. Avec l’idée de remaniement ministériel actuel, c’est le plus long et le plus douloureux feuilleton que connaît le pays. La Cité de la Culture fut érigée, le musée y sera installé, nous disait-on. Ouf ! Le monde des arts devait respirer un bon coup, mais un autre feuilleton commence, titre prévisible: le sort de la Cité de la Culture.


Quelles sont les occupations d’un voyageur, d’un accompagnateur en attente d’un départ dans un aéroport ? Il erre sous les lumières artificielles, d’un hall à un autre ou dans les couloirs en croisant les passagers, il s’installe dans un bar en surveillant sa valise, s’il a beaucoup de temps d’attente, il dort sur une chaise ou sur un banc, même s’il a suffisamment dormi la veille, il fait des achats souvent sans se contrôler, il lit en écoutant la musique dite d’aérogare, il téléphone, il tue le temps, bref il est fatigué et s’ennuie. Il peut s’accorder d’autres activités accessoires pour remplir un vide. Il n’est ni heureux ni malheureux, il en va ainsi de la majorité des voyageurs, qui vivent entre deux mondes : temps d’attente et de départ. Il y a peu de temps, l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle à Paris s’est transformé en vitrine culturelle de Paris. Dans l’un des halls, l’architecte Jean-Michel Wilmotte a créé un espace musée qui reçoit une exposition intitulée Rodin, les ailes de la gloire, une sélection de 50 œuvres prêtées par le musée Rodin à Paris. Une expérience originale qui a manifestement séduit le public et les employés. Il s’agit des plus célèbres sculptures dont Le Penseur, Le baiser, pas moins ! Et ce n’est pas des copies, les sculptures sont enrichies de notes d’explication. A la lumière des déclarations et des commentaires à chaud des voyageurs et des responsables, l’opération s’est révélée concluante, son but est de permettre aux publics de découvrir les chefs-d’œuvre de France. On a apprécié ces expressions dans un court reportage de l’émission culturelle Entrée libre sur France5.


Une expérience remarquable, réussie, des commentaires élogieux nous renvoient et sans qu’on soit attiré par les sirènes du passé à un peu plus d’une vingtaine d’années en arrière quand le ministère du Tourisme, au faîte de sa gloire, avait monté une belle et riche exposition de peintures à l’aéroport de Tunis. Succès sur tous les plans, les visiteurs tunisiens, arrivant de l’étranger ou à l’accueil de leurs proches, les étrangers, les accompagnateurs ont découvert le temps de cette exposition des œuvres d’artistes tunisiens de toutes catégories, de générations différentes, de styles dissemblables, des abstraits, des figuratifs, des grandes toiles et des petites, des travaux sur papier, d’autres sur bois et on en passe. Des notes accompagnaient les œuvres, noms, dates, lieux de naissance et biographies succinctes des auteurs, période d’exécution, bref la culture nécessaire pour satisfaire ou du moins pour réjouir l’amateur et le profane. Synergie entre la culture et le tourisme. L’art qui va à la rencontre du public. Initiative admirable, ravissement !


Des œuvres d’art par milliers qui reposent dans un palais, plusieurs aéroports ou d’autres espaces à fort flux de circulation qui, à notre avis, ne refuseraient pas des expériences de ce genre. Y manque quoi en somme? L’attention, la conviction, la volonté, le liant. Quel dommage !

 















 




 





 


 







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