
Lancé il y a deux ans et financé par l’opérateur téléphonique Orange, dans le cadre d’une action de mécénat, ce projet offre des parcours de visites à partir d’une application logicielle mobile, téléchargeable sur un smartphone personnel ou embarquée sur des terminaux mobiles prêtés à l’entrée du musée. Le guide numérique a l’avantage d’améliorer les pratiques de visite du musée et d’offrir aux publics des circuits plus interactifs.
Force est de constater que depuis quelque temps les plus grands musées se sont livrés à une course au numérique : visites virtuelles, applications, géolocalisation, réalité augmentée, etc. À l’heure actuelle, plus de deux cents musées dans le monde proposent des applications destinés à enrichir la visite. L’objectif est souvent le même : varier l’offre culturelle en créant de nouvelles expériences de visite et mieux s’approcher du public en renforçant les dispositifs de médiatisation. Néanmoins, pour beaucoup de musées le numérique apparait comme une alternative pour combler les carences en matière de médiation et c’est le cas au Musée National du Bardo.
Rappelons que le Bardo a connu entre 2009 et 2012 un vaste chantier de rénovation et d’extension qui a permis de doubler sa surface et de repenser son exposition. Toutefois, aujourd’hui encore les travaux ne sont pas encore totalement achevés et plusieurs salles du musée restent à ouvrir. La nouvelle exposition s’inscrit dans ce qu’on appelle une muséologie d’objet qui laisse très peu de place à la médiation. C’est le degré zéro de l’exposition qui réduit la présentation au socle et au cartel, en évacuant toute forme de mise en contexte de l’objet. Après ces derniers réaménagements, le Musée National du Bardo ne dispose plus de guide de visite : les audio guides et les anciennes publications sont devenues obsolètes. La collection est par conséquent intellectuellement peu accessible au public non averti et au jeune public, d’où l’idée du projet de guide de visite numérique.
L’intérêt de ce projet est double : d’un côté le guide numérique se présente comme une solution remède pour palier au manque de médiation au musée ; il permettra de contextusaliser les objets archéologiques en les reliant avec leurs espaces référentiels (carte montrant leurs lieux de trouvaille, frise chronologique permettant de les dater, etc.) et de les rendre intellectuellement plus accessibles aux visiteurs, notamment les plus jeunes. D’un autre côté, le projet permettra au musée d’avoir une meilleure visibilité et de drainer un public plus large, à la recherche de nouvelles expériences de visite.
Trois visites sont proposées: une visite générale du musée, où le visiteur découvre les objets phares de la collection, un parcours mosaïque montrant les plus belles œuvres du Bardo et un parcours enfant. Ce dernier offre une découverte ludique d’une sélection d’objets du musée présentés sous forme d’une chasse au trésor. Les œuvres présentées sur chaque parcours sont articulées autour de visites scénarisées, qui s’organise à partir d’outils digitaux. La scénarisation permet de contextualiser l’objet et d’immerger le visiteur dans une expérience interactive et émotive, où il peut s’instruire tout en s’amusant.
Par ailleurs, le projet de guide numérique s’inscrit parfaitement dans l’air du temps. À l’heure où l’on parle de la privatisation de la gestion du patrimoine, ce projet ne peut que confirmer le besoin de nos institutions culturelles d’intervenants privés et de grandes entreprises pour réaliser des actions que leurs budgets n’autorisent pas. En l’absence de moyens, le mécénat demeure la voie incontournable pour parvenir à moderniser nos musées et notre patrimoine. Mais le cadre juridique et administratif en vigueur rend le mécénat difficile à mener dans nos institutions publiques.
En effet, il est important de souligner ici que le projet de guide de visite numérique a peiné avant de prendre forme. Dans les dédales de l’administration, mener un projet de mécénat est un exploit. Si le guide de visite numérique a vu le jour beaucoup d’autres projets ont été avortés ou abandonnés à cause des lourdeurs administratives et des problèmes bureaucratiques. Tout ça pour dire que le mécénat en Tunisie ne bénéficie d’aucun soutien et que penser à aider une institution publique, en particulier non autonome comme le Bardo, est un véritable calvaire.
Aujourd’hui le Ministère de la culture a décidé de remettre sur la table le dossier du mécénat. Visiblement il y a une grande volonté de démarrer ce chantier, qui a chaque fois qu’on décide de l’attaquer, on est très vite découragé par son ampleur et sa complexité et…. on le reporte. Mais une chose est sûre : Tant que nos institutions culturelles manquent de moyens et d’autonomie, il faut encourager le mécénat en tant que pratique citoyenne et comme solution alternative pour sauver notre patrimoine.
Auteur : Soumaya GHARSALLAH-HIZEM