Parlez-nous de votre parcours
Je suis diplômée de l’école nationale supérieure d’architecture Paris Malaquais. Après mes études, j’ai intégré la célèbre agence parisienne « Architecture Studio ». Cette expérience a été déterminante au niveau de la rigueur et de la précision exigée par ce métier. J’ai eu la chance d’observer l’importance d’une bonne organisation du travail d’équipe pour faciliter le dialogue et donner toute sa cohérence à un projet. Aussitôt mon diplôme d’architecte DPLG obtenu, de retour en Tunisie, j’ai rencontré mon associée, Meriem Cheraït, architecte d’intérieur. Notre volonté d’indépendance et de liberté, nous a menées à créer l’agence Ï+Ï Architectes.
Comment fonctionne l’agence Ï+Ï ?
Il s’agit d’une complémentarité, d’une addition de compétences et l’envie de mettre en commun notre savoir-faire. La spécificité de notre binôme réside dans cet échange constant qui nous permet d’aborder chaque projet, depuis le plan d’ensemble jusqu’à la conception du mobilier.
Comment définissez-vous vos références esthétiques et architecturales ?
L’architecture répond principalement à une fonction. En tant qu’architectes, notre rôle est d’y répondre avec la valeur ajoutée de notre créativité. Cette voie permet de sublimer la fonction initiale élémentaire en lui donnant l’aspect émouvant d’une géométrie vivante, ce qui ne peut être obtenu qu’à condition de générer de la beauté dans le jeu des distances, des mesures, des proportions et des matières.
C’est pourquoi la vocation de notre agence est de ne pas imposer un style, mais plus précisément, de proposer des options et de veiller à respecter les intentions de départ de l’esquisse à la réalisation. Notre plus grande satisfaction est de constater, en fin de projet, que nous avons répondu à toutes les attentes de nos clients.
Pour l’anecdote, un client nous a dit : « j’aimerais chaque matin, prendre ma douche, en regardant la mer ». Après la livraison du chantier, il nous a appelé pour nous remercier de l’émotion que nous avions réussi à lui communiquer en cadrant la mer, depuis la douche à l’italienne. Notre plus grande satisfaction se situe à ce niveau de confiance et de gratitude de la part du commanditaire.
Quel type de projet vous intéresse le plus ?
Nous sommes ouvertes à toutes les propositions, quelque soit le projet, sa taille et son budget. La dimension humaine est essentielle. Il est, selon moi, indispensable de faire preuve d’écoute et de prendre en considération la dimension psychologique de chacun. Une fois toutes les données du projet mises à plat, le processus architectural peut commencer. Il est primordial d’instaurer une confiance par le dialogue et la présence, pour accompagner chaque maître d’ouvrage jusqu’au bout du projet.
Est ce que le fait d’être une femme peut représenter une difficulté ?
Le métier d’architecte est passionnant. C’est un métier qui a plusieurs facettes, qui induit la responsabilité d’un projet. De fait, c’est un métier qui associe la technique à la créativité, c’est aussi un métier qui demande une part considérable d’humanité, d’écoute et de dialogue.
De mon point de vue, la créativité est asexuée. Au même titre qu’une œuvre d’art, un projet architectural est le reflet de l’expression d’une personnalité plus que d’un genre.
La part technique de ce métier est définie, entre autres, par le dessin : par exemple, un plan détaillé et clair ne laisse aucune place au hasard et permet de dialoguer avec les différents interlocuteurs d’un projet avec précision et rigueur. Le plan d’un projet est une écriture lisible par tous les corps de métiers. Il est l’expression d’un langage technique où le fait d’être homme ou femme, n’entre pas en considération.
Feryel Studio
Projet d’aménagement de mobilier
Dar Fatma
Cité El Tahrir, Le Bardo – Tunisie
Achevée en janvier 2018
Architectes : ï+ï_architectes : Souleïma Fourati, architecte DPLG et Meriem Cheraït, architecte d’intérieur
Surface : 350 m2
Ce projet de réhabilitation s’articule autour d’un patio et d’un jardin intérieur. Notre intention de départ était de préserver ces deux atouts majeurs comme source principale de lumière dans chaque espace du projet. Nous avons donc abattu toutes les parois intérieures pour redistribuer les pièces à vivre, en fonction du mode de vie des propriétaires qui souhaitaient une cuisine comme pièce maitresse et lieu de vie.
Le choix de la conception d’un mobilier modulable, réalisé sur mesure, a permis l’articulation et la distribution des pièces entre elles. Nous avons intégré la contrainte d’un budget limité, pour nous adapter à la demande des propriétaires. Cette contrainte nous a permis de sélectionner judicieusement les matériaux utilisés dans le programme architectural global pour optimiser le résultat final.
Pal_maison
Tozeur, Tunisie
Achevée en octobre 2018
Architectes : ï+ï_architectes : Souleïma Fourati, architecte DPLG et Meriem Cheraït, architecte d’intérieur
Surface : 220 m2
Pal_maison est une résidence secondaire située au cœur de la palmeraie de Tozeur, conçue sur la base de deux longs parallélépipèdes en H. Les températures élevées ont imposé le choix de la meilleure orientation pour les minimiser. Située au point de jonction et d’articulation du projet, l’entrée principale sépare l’espace jour de l’espace nuit. A l’intérieur, le plan dessine une distribution simple, sobre, fluide et naturelle.
La palette des teintes et des matières est liée directement aux matériaux traditionnels utilisés dans la région du Chott El Jerid. Le calepinage du sol de la terrasse extérieure est réalisé en briques de terre cuite fabriquées localement. Comme le calepinage des pièces humides de la maison, il fait directement référence au rythme des motifs des tapis traditionnels.
Les différentes ouvertures créent autant de propositions de cadrages précis sur la palmeraie, que de possibilités de doser l’intensité lumineuse. Pal_maison est conçue comme un lieu de vie qui s’intègre dans le silence et l’harmonie du paysage de la palmeraie. Les axes de la maison s’intègrent dans la géométrie des plantations de la palmeraie, quadrillée par le réseau d’irrigation. De même, le long bassin de nage est la réinterprétation des bassins et des canaux de distribution d’eau irriguant les cultures de palmiers dattiers.
Article paru dans Archibat n°47 – Août 2019