
A l’occasion de la Journée mondiale de l’architecture, placée cette année sur le thème «Des villes saines, des villes heureuses», le magazine Archibat a organisé, jeudi 16 octobre 2014 à Tunis, sa deuxième rencontre «Villes et constructions durables». Architectes, urbanistes, universitaires…, les participants à cette rencontre ont débattu de plusieurs thèmes d’actualité dont notamment les enjeux de la construction durable et de l’architecture éco-responsable, ainsi que la planification et la gouvernance urbaine en Tunisie.
Il ressort des débats que, depuis les années 1990, une prise de conscience mondiale de l’enjeu environnemental et du développement durable s’est traduite, en Tunisie, par la création d’institutions spécialisées et la promulgation d’un nouveau Code de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme (Catu) qui a introduit diverses dispositions visant, notamment, une meilleure intégration de la dimension environnementale dans la planification territoriale et urbaine.
Cependant, les principes de la gouvernance territoriale n’ont pas été convenablement intégrés. Les faibles compétences et les moyens financiers et techniques limités des villes tunisiennes ne leur ont pas permis de conduire des politiques locales garantissant le respect de l’environnement, la favorisation de la qualité de la vie et la participation citoyenne.
De plus, la transition politique que vit la Tunisie depuis début 2011 s’est accompagnée à ce niveau par deux constats peu convergents. Le premier est que la question locale, l’équité territoriale dans l’accès aux services et la participation des habitants aux processus décisionnels locaux sont montés aux premiers plans des préoccupations. La Constitution de janvier 2014 a inscrit ainsi des principes avant-gardistes en matière de décentralisation, de gouvernance urbaine démocratique et de droit environnemental. Le second constat est que ni les collectivités locales ni les organismes nationaux n’arrivent à contenir convenablement les effets environnementaux de l’urbanisation et à améliorer sensiblement le cadre de vie. Des dégradations sont même notées à ce niveau liées aux dysfonctionnements conjoncturels postrévolutionnaires dans ces institutions.
Parallèlement, durant les trois dernières années, des expérimentations sont menées sur le terrain appuyées par la coopération internationale en vue de promouvoir l’intégration des principes du développement durable et de la bonne gouvernance urbaine démocratique dans la planification et la gestion territoriale.
Une nouvelle culture territoriale
Parmi les projets de coopération qui ont été présentés durant cette journée d’étude, on note surtout CoMun. Financé par la GIZ (Coopération allemande au développement), le projet vise à renforcer les structures communales à travers un appui conseil, des formations et des études, en traitant : la mise en place d’espaces citoyens dans des communes pilotes, la participation des jeunes à la vie communale à travers un concours d’idées destiné aux municipalités qui souhaitent mieux intégrer leurs jeunes citoyens dans la vie publique locale et l’appui et réseautage autour de thèmes de développement durable et urbain, à savoir : un réseau de gestion des déchets qui a comme objectif de mettre en œuvre les Plans communaux de gestion des déchets (Pcgd) et un réseau «baladiya» sous forme d’un pôle de compétences pour consolider le rôle de la commune dans le processus de développement urbain et durable. D’autres programmes, non moins intéressants et touchant divers volets de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire, financés par la Banque mondiale, l’AFD (Agence française de développement) et par le Pnud (Programme des Nations unies pour le développement) ont été, également, présentés lors de la rencontre.
Toutefois, malgré leur importance et leur apport technique considérable, l’impact de ces programmes demeure limité. Et pour cause : les innombrables défaillances du plan d’aménagement du territoire, un plan jugé inadapté aux nouveaux besoins environnementaux et écologiques du pays. Pire, ce plan ne place pas le confort et le bien-être du citoyen comme un de ces objectifs. D’où la rareté des espaces verts, des centres de divertissement, l’absence d’une vision à long terme qui prend en considération l’évolution démographique et anticipe les changements de mode de vie et les nouveaux besoins du Tunisien.
Le Tunisien vit, aujourd’hui, dans des villes étouffées, polluées et très mal aménagées qui ne lui permettent pas de vivre heureux. Ce cadre de vie désagréable s’est remarquablement répercuté sur sa santé physique et psychologique. Et la situation risque de se dégrader davantage si des mesures urgentes ne sont pas prises le plus tôt possible.
Or, malheureusement, la question de l’aménagement du territoire semble être ignorée par l’ensemble des partis politiques, en pleine campagne électorale. Espérons que la donne changera une fois qu’ils seront au pouvoir.
Source : La Presse