L’origami est non seulement une inépuisable source d’inspiration artistique mais il est aussi entouré de toute une panoplie de nouvelles recherches de pliage de matériaux plus ou moins rigide, plus ou moins épais, pliables à plat ou pas, etc… sans parler de tout ce que cela implique d’ingénierie d’articulation. L’architecte n’est il donc pas le meilleur public tant la maitrise et la compréhension de la géométrie sont vitales pour sa discipline…?
Tunis, Confinement, Février 2020. Les déplacements étant limités, je fis la connaissance d’un voisin architecte et enseignant à l’ENAU (École Nationale d’Architecture Urbaine de Tunis), M. Amin Hasni, qui a tout de suite vu l’intérêt du sujet.
Février 2021. Je reçois un coup de fil de M. Hasni qui me propose de rejoindre le groupe H2team de l’ENAU (avec une équipe d’étudiants en 3e année d’architecture) pour les accompagner durant leur projet.
Les étudiants ont eu un mois pour se familiariser avec l’origami (pliages plus ou moins traditionnels) et à s’initier aux tracés de canevas de plis avec tout ce que cela implique de contraintes mathématiques, pour ensuite passer aux simulations virtuelles, et enfin à une maquette de l’ordre du mètre, avec différents matériaux, accompagné d’une présentation. Le mois a été clôturé par une présentation individuelle de projet et l’invitation d’un jury d’exception, dont Sihem Lamine (Architecte et Responsable du bureau CMES Harvard University en Tunisie), à l’issue duquel deux projets ont été retenus.
Pendant ce temps, j’ai été invité à donner une conférence pour le séminaire de structure « The extraordinary usual things » pour parler de ce que l’origami peut apporter à l’architecte, esthétiquement bien sûr, mais aussi comme solution d’articulation ou d’assemblage de plaques rigides et épaisses.
Les étudiants sont maintenant divisés en deux équipes et ont une semaine pour réaliser les projets à une échelle bien plus grande, avec des panneaux multicouches de deux épaisseurs possibles et un choix approprié d’articulations. Les contraintes deviennent «terrestres» et bien plus matérielles. Les échelles sont poussées à l’extrême.
Le modèle n° 1 est une création originale qui a pris naissance dans un carré. Le challenge était de créer une forme spirale en coquille d’escargot. Le modèle devait être développable et pliable à plat, sans oublier le problème de coplanarité1 des appuis. Le canevas de plis a changé bien des fois avant de prendre sa forme finale. Le choix de ne considérer qu’une partie et de bien la maîtriser est idéal pour la grande maquette (si cette maîtrise est acquise, le problème est résolu pour tout le modèle, par homothéties successives). Vingt quatre plaques de 8mm d’épaisseur à articuler avec des charnières fixées une à une avec boulons et écrous. Des petites plaques prenant en considération les surépaisseurs de pliages ont été prévues.
Le modèle n° 2 est une tessellation de bombes à eau carrées. Les plaques n’étant pas de formes compliquées mais nombreuses, le choix du tissu comme articulation s’est imposé et a plus ou moins simplifié le travail d’assemblage. Articuler le modèle, par contre, s’avère plus complexe ; le challenge de lui donner une tension lui permettant de bomber. La solution avec ressort s’impose mais les contraintes de temps nous imposent de poser les bombes à eau sur leurs pointes.
La semaine était bien plus physique que celles que les étudiants avaient l’habitude de passer à l’école, et les conditions covid étaient là pour rendre les choses encore plus dures et l’horaire encore plus restreint.
13 mars 2021. Le jury est là pour la clôture du séminaire. Les étudiants sont crevés… et nous aussi. Je cite Hasni Amin : « beaucoup de stress, de larmes, de doute, de remise en question. Il fallait affronter la réalité, les véritables limites de la matière et de soi, le chauffeur qui ne vient pas à temps, le menuisier arnaqueur, et j’en passe. C’est une véritable leçon de vie qui crée une véritable cohésion de groupe… » Une expérience rare, riche, intense et exceptionnelle.
Merci à tous ceux qui ont permis de transformer ce rêve en réalité.
Merci a cette belle équipe d’étudiants qui n’a pas arrêté de me surprendre.
Merci la H2team
Merci Hasni Amin.
1 Sept pointes devaient toucher simultanément le sol pour porter le modèle..
2 Waterbombs de David Huffman
Texte et photos : Mondher Saada