La thèse proposée s’intitule « Architecture et connaissance, esquisse d’un modèle trans-intégral de la méthodologie d’enseignement du projet architectural« . Elle a été menée au sein de l’équipe de recherche en architecturologie et modélisation de la conception, sous la direction du professeur Mounir DHOUIB. Ce travail s’inscrit dans le cadre du développement de l’axe de la construction et la transmission du savoir en conception architecturale. Notre recherche tourne autour de la conviction que les problèmes de la Méthodologie d’enseignement du projet architectural (M.E.P.A) actuelle sont d’ordre épistémologique. La réforme de l’enseignement devrait passer par celle de la pensée architecturale. Une fois cette dernière fondée, reconnue en connaissance et intégrée au système des sciences, nous pourrions dépasser l’obstacle épistémologique qui freine le développement de la M.E.P.A. Cette thèse se propose donc de fonder théoriquement les linéaments d’une restructuration de la méthodologie d’enseignement du projet architectural en considérant la complexité et la transdisciplinarité de celui-ci. De la réorganisation de la connaissance humaine, nous avons cherché la réorganisation du projet architectural.
De la ligne de départ saisissant l’architecture en connaissance, se sont imposés des questionnements de nos pensées et de leurs fondements épistémologiques ; ceux-là même qui ont façonné notre entendement de l’architecture, de sa conception et de son enseignement. L’esquisse du modèle proposé s’appuie donc sur une première étude des théories de la connaissance et son développement. Partant des réflexions de penseurs tels que Platon, Kant ou encore Morin, nous avons mis en lumière un besoin de dépassement de ces théories ;
celles qui montrent des insuffisances d’ordre restrictif et entravent la prise en compte de la complexité et de la multidimensionnalité de la connaissance.
Dans cette quête d’un fondement plus inclusif, deux grands penseurs se sont démarqués par leurs réflexions qui offrent une voie à l’instauration d’une M.E.P.A intégrant la multidimensionnalité de la réalité et la transdisciplinarité de l’architecture. Grace au croisement des pensées de Jean PIAGET – sa théorie générale du développement cognitif et son système cyclique des sciences – et de Ken WILBER – sa théorie intégrale et son modèle AQAL –, nous avons proposé trois dépassements majeurs comme prémisses de la modélisation escomptée.
– Le premier prend naissance du système cyclique des sciences de Piaget auquel nous avons reconnu certaines limites. Il a ouvert au modèle de la connaissance augmenté qui intègre le groupement des sciences poïétiques et restructure le système en reconnaissant sa complexité. C’est ainsi une ébauche plus intégrale du système des sciences.
– Le second dépassement prend appui sur la théorie du développement cognitif de Piaget. Nous lui avons substitué le modèle du développement du projet cognitif. Celui-ci permet de fonder la connaissance architecturale transdisciplinaire, il intègre l’acte créatif dans ce processus, ouvrant sur le développement de la M.E.P.A.
Le modèle esquissé se base sur le mécanisme de développement de la connaissance intra-, inter-, trans- de Piaget, pour qui, toute connaissance est une construction en devenir qui passe par des stades de développement qui se succèdent et se transcendent. Il s’appuie aussi sur l’idée, soutenue par la théorie intégrale, que pour appréhender la complexité de la réalité, l’organisation de la connaissance humaine doit mettre en relation toutes les connaissances fragmentées issues des différentes spécialisations insulaires dans un schéma d’inclusion holistique.
– Le dernier dépassement envisagé est d’ordre paradigmatique. C’est le résultat de l’évaluation du système de la pensée, du système des sciences et du système architectural, à la lumière de la théorie intégrale. Par une remise en question des paradigmes prémoderne, moderne et postmoderne en architecture, nous avons abouti à un besoin de transcendance. Nous avons proposé un nouveau paradigme Trans-intégral qui prend naissance de la théorie intégrale par la considération de la multidimensionnalité et des aspects irréductibles de la réalité ; et du concept de transdisciplinarité par la prise en compte des relations entre les composantes du système et le dépassement des diverses fragmentations.
Les esquisses de ces trois dépassements nous ont guidés dans notre réflexion sur la restructuration de la M.E.P.A. Nous avons repensé celle-ci en tant que projet cognitif en devenir, en restructurant le régime des enseignements, leurs contenus et leurs formes.
Le régime des enseignements est d’abord réfléchi en tenant compte des coordinations horizontales et verticales entre les différents niveaux. Il suit la logique de la complexité croissante à la fois durant l’année universitaire et tout le cursus universitaire. Il reconnait la rétroaction du projet architectural sur les enseignements qui le desservent.
Le contenu des enseignements se base sur une évaluation de l’enseignement actuel.
Nous avons proposé une restructuration avec l’idée de l’emboitement des niveaux cognitifs et le modèle du projet architectural vide de contenus qui se définissent en fonction de celui-ci. Au niveau des enseignements spécialisés, nous les avons rattachés au dit-projet en proposant l’interdisciplinarité comme articulation de ces enseignements au projet architectural. La transdisciplinarité est réfléchie au niveau du cœur du modèle.
Quant à la forme des enseignements, nous avons proposé un modèle plus ouvert qui se base sur des plateaux de concepteurs et des workshops pour l’enseignement des connaissances spécialisées rattachées et indissociables de l’enseignement du projet architectural.
Partant de ces restructurations qui prennent naissance du paradigme Trans-intégral, nous avons entrepris une réflexion sur le processus de conception architecturale.
Nous avons proposé un nouveau modèle du processus de conception qui s’appuie sur des indicateurs dégagés d’autres modélisations ; citons l’intégration de la subjectivité du concepteur, la prise en compte de la collectivité dans le processus dès la phase conceptuelle, la réflexivité du concepteur, la caractéristique itérative du processus, ou encore l’importance de l’intégration des savoirs théoriques et savoirs pratiques ainsi que des représentations.
Nous nous sommes alors inspirés d’une proposition qui conçoit le processus de conception comme un système d’interactions entre cinq éléments cognitifs récurrents : le problème, le concept, les connaissances, les représentations et l’artefact. Les diverses relations entre ces espaces permettent le déploiement du processus jusqu’à l’aboutissement de la conception.
En croisant ceci aux modèles de la structure des enseignements et de leurs contenus, nous avons proposé ce modèle générique du processus de conception. Il met en lumière les relations entre le projet à ses polarités à chaque moment et à chaque niveau de complexité du processus.
Article paru dans Archibat n°57 – Mars 2023