Architecte d’origine tunisienne, Sana Frini a remporté le 4ème prix du concours de requalification de l’Acropole de Byrsa. Sana Frini a enseigné dans plusieurs universités américaines telles que Cornell University et son travail a été exposé au Muséum éco de Mexico city (2023), au Herbert Johnson Mu-Seum (2021), à l’Abierto Mexicano de Diseño (2019), à la Biennale d’Architecture de Chicago (2018) et à la Triennale d’Architecture de Lisbonne (2013). Sana Frini a reçu la Gensler Critic Visitor, la bourse du Système National Mexicain des Créateurs d’Art (2020), la bourse Erasmus Mundus (2013) et la bourse Erasmus (2008).Découvrons son parcours professionnel.
De la Tunisie au Mexique en passant par le Portugal, racontez-nous votre expérience.
Je suis née en Tunisie et j’y ai grandi. J’ai également fait mes études en Tunisie. Pour commencer ma formation en architecture, j’ai choisi de rester en Tunisie. J’ai donc entamé mes études à l’École Nationale d’Architecture et d’Urbanisme de Tunis. Par la suite, j’ai eu l’opportunité de faire une année d’échange. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à m’intéresser à ce que l’on appelle ” les nouvelles vernacularités ” englobent les pratiques qui sont en contact étroit avec la terre et qui nécessitent un savoir-faire spécifique.
Ce savoir-faire est plus répandu dans le sud de l’Europe. Ainsi, après mes recherches, j’ai suivi une formation dans une école d’architecture à Séville, en Espagne, puis à Lisbonne, au Portugal, après avoir effectué des stages à Lyon et à Paris en France. Après avoir vécu à Lisbonne pendant quatre ans et obtenu mon mastère en mondialisation et environnement, j’ai commencé à comprendre la géopolitique des choses. Mon intérêt s’est alors tourné vers les Amériques latines, notamment le Mexique et l’Amérique du Sud. En même temps, la Biennale de Venise de 2017 a attiré mon attention sur le Mexique, qui compte non seulement le plus grand nombre d’architectes et de praticiens femmes, mais aussi des personnes travaillant sur les sujets qui m’intéressaient. J’ai également eu l’opportunité de travailler au Mexique, malgré les offres que j’avais reçues du monde entier. J’ai commencé à croire que le Mexique m’apporterait une grande valeur ajoutée. Cela fait maintenant sept ans que j’y suis, et cet endroit est devenu le lieu où j’ai fondé mon atelier, Locus. Du coup, here we go !
Les récits et les perceptions sont des outils pour comprendre le présent et construire l’avenir. Comment est née cette philosophie et cette vision de l’architecture ?
Je pense que j’ai toujours eu cette conviction depuis mon enfance, même si ce n’est pas quelque chose de courant dont on prend conscience. Pour ma part, j’ai pris conscience de cela lorsque je me suis intéressée aux écoles espagnoles et portugaises, qui m’ont intriguée par leurs façons différentes de raconter l’architecture. Et quand je parle de raconter, je parle de faire. En réalité, la pratique architecturale ancestrale de nombreux pays, dont le Mexique, est intimement liée à la conception de la ville.
Cela se manifeste par le “bon sens” : la compréhension intuitive. J’ai été parmi les premiers à le souligner. Cependant, je tiens à préciser que cette réflexion est une réaction à une école que j’ai fréquentée, où les principales références étaient le modernisme et le postmodernisme, avec de nombreux récits sur la contextualisation matérielle et pratique. On parle alors de régionalisme moderniste, comme l’exemple d’Álvaro Siza ou de Luis Barragán. C’est une modernisation appliquée au contexte de vie, où de nombreux éléments sont pris en compte : la lumière, la terre, la matière, la géographie, les limites, et surtout l’utilisateur avec ses besoins et sa réalité. Ainsi, je m’appuie sur cette logique narrative pour utiliser un outil dans mon travail.
En alliant théorie et pratique, votre travail est nourri par différents processus et intérêts. Quel est votre retour d’expérience dans un monde rempli de défis complexes ?
La plupart des écoles valorisent la réflexion dans leur travail. Ainsi, un travail bien réfléchi est le fruit d’une réflexion approfondie. Je suis influencée par l’école américaine, où l’alliance entre la pensée et la pratique est valorisée afin de les relier et de construire une base solide pour une architecture de qualité. En effet, cette connexion a été prouvée par le travail que je réalise, que ce soit avec les praticiens ou les théoriciens avec lesquels je collabore. Ce processus nous permet d’atteindre l’essence des choses et de combiner production et réception de manière pertinente. Il faut donc bien réfléchir avant de générer des formes. La réflexion est centrée sur l’appartenance contextuelle du lieu. Une appartenance à l’environnement, à la manière de faire les choses, au rejet et au recyclage…
Ainsi, les architectes ont une responsabilité de générer des formes à partir de réflexions, et cela peut être résumé par la phrase “Form(s) Follow(s) Function(s), Behaviour(s) & Belonging(s)”.
Propos recueillis par Emna El Bey & Nihel Allouche
Article paru dans Archibat n°58 – Juillet 2023