L’ouvrage « Désir de nature dans le Grand Tunis. Pour une végétalisation de la ville dense », édité chez MétisPresses à Genève (2024) publie les principaux résultats de la thèse soutenue par Imène Zaâfrane Zhioua en Mars 2022 (Résumé dans Archibat n° 54), mais aussi le fruit de plus de vingt années de recherches et d’enquêtes de terrain.
Problématique générale
Il est aujourd’hui reconnu que le végétal joue un rôle structurant en matière de soutenabilité écologique, de composition urbaine et de qualité des espaces urbains aux différentes échelles de l’habiter. La renaturation de la ville est désormais un levier majeur de lutte contre les effets du changement climatique, elle permet de rendre le quotidien des habitants plus vivable. À Tunis, la présence de la nature est cependant très discrète. Elle est parfois même ignorée par les planifications urbaines. Et pourtant, la question de la renaturation devient l’une des plus importantes préoc¬cupations quand il s’agit de penser les grandes métropoles. Notre recherche tente de répondre aux questions suivantes :
– Quelle place a pris la nature dans les différentes étapes de transformation spatiale de Tunis ?
– De quelles manières s’exprime le désir de nature des habitants ? Quelles sont leurs attentes en matière d’espaces verts ?
– Quelle place et quels rôles sont attribués à la nature et plus particulièrement aux infrastructures vertes dans les planifications métropolitaines tunisoises ?
– Comment le végétal peut-il renforcer la continuité de l’espace public dans l’optique d’un urbanisme tactique ?
La recherche investit un angle mort de la recherche sur l’espace métropolitain tunisois. Elle croise un état des lieux inédit de la métropole du point de vue de ses espaces végétalisés avec les perceptions des habitants, les visions et les intentions des planificateurs en matière d’urbanisme végétal et de la qualité des paysages urbains. Au-delà de la conception d’une nature manipulable à volonté ou d’une nature intouchable et sacrée, la recherche plaide pour l’instauration d’une nature urbaine au cœur du projet urbain, capable ainsi d’inscrire l’espace métropolitain dans la complexité de ses relations aux espaces végétalisés dans une éthique soucieuse d’un avenir urbain commun.
Dimensions analytiques
Les espaces publics végétalisés de la métropole tunisoise ont été analysés à travers quatre dimensions principales :
• La dimension historique permettant de dresser le contexte général de l’émergence de la métropole tunisoise en la situant dans l’épaisseur du temps long de l’évolution de l’urbain ;
• La dimension morphologique, environnementale et paysagère permettant de cerner les éléments végétaux qui ponctuent et structurent l’espace métropolitain ;
• La dimension sociale permettant d’insister sur les rapports des citadins aux espaces verts, ceci à travers leurs usages et leurs attentes. Cette analyse nous permettra aussi de saisir certains éléments de l’espace vécu, de la qualité des paysages urbains et du désir de nature qu’ils révèlent ; de la manière aussi de répondre à la demande de nature par des projets à court terme et des interventions à petite échelle ;
• La dimension politique mettant l’accent sur la régulation des espaces publics, la multiplicité des acteurs de la planification et de l’aménagement urbain en présence, leurs modèles d’action et leurs stratégies.
Organisation de l’ouvrage
L’ouvrage est structuré en quatre parties, explorant chacune des dimensions citées. La première partie nous plonge tout d’abord dans l’histoire des transformations spatiales et végétales de la capitale tunisienne et de la manière dont elles font ou non écho aux courants urbanistiques internationaux. L’histoire de Tunis est écrite à l’encre verte à travers la présence du végétal aux différents âges de la ville, de la Médina à la métropole d’aujourd’hui.
Dans un second temps sera abordée l’étude de la métropole tunisoise sous l’angle de ses transformations spatiales plus récentes et de leurs effets environnementaux. La métropolisation est un des phénomènes majeurs du 20e siècle. L’urbanisation extensive est le modèle de croissance spatiale des métropoles. Elle apparaît comme un changement majeur du principe morphogénétique de la ville contemporaine. Le paysage de la métropole tunisoise est ici analysé à travers sa structure, ses centralités, la dynamique de ses expansions spatiales ainsi que ses formes environnementales.
Seront explorés ensuite, dans un troisième chapitre, les rapports des citadins aux parcs et jardins publics de la capitale à travers leurs représentations, leurs usages et leurs attentes. Ce chapitre permettra d’évaluer la demande habitante en matière d’espace vert. Le parc urbain est une figure centrale de la structure verte du Grand Tunis. La mosaïque des espaces verts et des espaces ouverts compose avec les plans d’eau une variété de paysages très riches livrant quantité de services écosystémiques. Ces équipements répondent-ils aux attentes des usagers ? Les équipements verts répondent-ils au désir de nature des citadins tunisois ?
Le quatrième et dernier chapitre nous permet de faire ressortir l’offre de nature présente dans les documents d’urbanisme de la métropole tunisoise. Un voyage à travers des projets de végétalisation de quelques villes dans le monde constitue un corpus référentiel afin de présenter une alternative aux planifications stratégiques par le biais de l’urbanisme tactique. Un parcours, le filament vert, est proposé et pourra constituer un des tracés possibles d’une future trame verte de la métropole qui reste à tisser. Il nous offre un projet d’aménagement, une traversée végétalisée à travers les différentes couches du palimpseste urbain constitutif de l’hypercentre tunisois. Le projet mobilise une démarche d’urbanisme tactique qui pourra être mise en cohérence avec des planifications stratégiques renouvelées.
Article paru dans Archibat n°61 – Juin 2024, vous pouvez le commander ou vous abonner en ligne : www.archibat.info/nouveau-numero-disponible/