Nous vivons dans un monde de rupture, où tout change, tout s’accélère, tout se complexifie, tout devient fragile et incertain. La planète s’urbanise à une vitesse inédite. D’ores et déjà, plus de la moitié de la population mondiale vit en ville ; cette proportion passera à 70 % en 2050.
Pour autant, bien qu’elle soit globale, cette tendance n’est pas uniforme : 90 % de la croissance urbaine mondiale a lieu en Asie et en Afrique, avec des caractéristiques qui varient d’un pays à l’autre en termes de vitesse, d’ampleur, de structure du tissu urbain ou encore de maillage territorial ; la croissance urbaine concerne les mégalopoles, mais 75 % de cette croissance se fait et se fera dans les villes intermédiaires de moins de 1 million d’habitants ; et enfin les zones littorales continuent de se densifier alors même que leur positionnement les expose fortement aux effets du dérèglement climatique qui menace de plus en plus la pérennité des installations humaines.
Les gouvernements africains, nationaux comme locaux sont confrontés à des défis immenses pour améliorer les conditions de vie des habitants et répondre aux besoins des nouveaux citadins. L’ampleur, la force et surtout la rapidité de ces mutations imposent d’agir vite, de réinventer nos manières de penser et d’habiter le monde mais aussi et surtout de replacer les habitants et les usagers au cœur de la fabrique des villes et des territoires.
Cette fabrique de la ville, en Afrique comme dans le monde, ne peut plus se faire sans les habitants, sans les usagers, sans les acteurs économiques, associatifs, experts, opérationnels, et ce à tous les stades du projet (de sa conception à sa mise en œuvre). Ce changement de paradigme dans la manière de penser l’urbanisme et cette reconfiguration des rôles impliquent de nouveaux «modes de faire» : «faire avec» et surtout «faire ensemble». Pour répondre à un tel enjeu, le continent africain bénéficie d’un certain nombre d’atouts comme :
La puissance d’innovation africaine combinant à la fois esprit jugaad (faire mieux ou aussi bien tout en mobilisant moins de ressources) et leapfrogging (capacité à faire un boom qualitatif ;
Une culture de la fabrique collective et informelle de la ville (une culture de l’apprentissage par la communauté) ;
L’émergence de communs en milieu urbain, qui prennent la forme de « lieux, publics ou privés, partagés par les riveraines et les riverains qui y développent des usages pluriels en impliquant une multitude d’acteurs différents dans des gouvernances ouvertes et en mobilisant des ressources variées du territoire, matérielles et immatérielles, pour des usages s’adressant à différents cercles d’usagères et d’usagers » (Françoise et al., 2022).
Ces communs urbains s’incarnent plus concrètement à travers le développement de tiers lieux culturels, de terrains de sport, de jardins partagés, de Fab labs, de makerspaces, communautés apprenantes.
Des initiatives d’urbanisme participatif émergent dans le processus de la fabrique urbaine en Afrique et prennent des formes multiples qui se déclinent en urbanisme tactique, urbanisme éphémère, urbanisme temporaire, urbanisme transitoire, urbanisme transitionnel, etc. Véritable vecteur de transformation des territoires par la co-construction, le partage, la participation et l’innovation, l’urbanisme participatif offre de nombreuses opportunités pour construire des territoires plus inclusifs, résilients et durables répondant aux besoins de leurs habitants.
Pour Luc Gnacadja, la gestion urbaine et la gouvernance doivent s’élever à la hauteur des enjeux. Le premier facteur requis est la qualité de leader et de manager des acteurs de premier plan de la gouvernance publique.
La ville durable africaine devra être plus inclusive afin de libérer la créativité de chacun pour la construction de solutions durables.
Pour relever le défi de la ville pour tous et accompagner les acteurs de la ville à une prise de conscience des changements de paradigmes nécessaires, le Campus AFD, Œcumene Spaces For Dignity et Africa Innovation Network ont co-construit avec et pour ces acteurs,
Faire la Ville Ensemble, un nouveau parcours d’apprentissage immersif et collaboratif.
Ses objectifs : comprendre les dynamiques complexes à l’œuvre dans les territoires urbains ; cerner les notions de participation et co-définir ensemble les concepts clés pour une participation ouverte et partagée en Afrique ; sensibiliser et initier les acteurs de la ville en Afrique aux démarches et outils de co-construction avec le cadre nécessaire à leur réussite. Avec le concours des outils d’intelligence collective, ce parcours de formation vise à transformer les postures et accompagner le changement nécessaire pour passer d’une maîtrise d’ouvrage traditionnelle à une maîtrise d’ouvrage animatrice et facilitatrice de son territoire.
« L’urbanisme participatif est une approche qui plaide pour des dispositifs de coopération dans lesquels les habitants et acteurs de la ville sont impliqués dans le processus de planification, de conception et de gestion. Il favorise un dialogue ouvert et une collaboration fructueuse entre les parties prenantes : habitants, usagers, experts, décideurs et investisseurs, permettant le renforcement de la cohésion sociale et une meilleure gestion des ressources avec toujours plus d’engagement des collectivités, institutions locales et des acteurs locaux. Cependant, l’urbanisme participatif n’est pas instinctif, cela nécessite à la fois un engagement fort des maîtrises d’ouvrage et donc des élus locauxet l’implication d’un large éventail d’acteurs prêts à s’impliquer. Cela demande un investissement important en temps et en ressources, une méthodologie structurée et des efforts ciblés pour en assurer le succès. Qui dit urbanisme participatif dit participation, de nouvelles compétences sont àacquérir pour mobiliser et fédérer les acteurs locaux, collaborer et co-construire. » Insaf Ben Othmane Hamrouni, Founder and Executive Director, Œcumene Spaces For Dignity
« Nous ne sommes pas outillés pour sortirde nos schémas mentaux et inventer de nouvelles voies, de nouveaux modes de faire, nous devons collectivement apprendre à libérer nos imaginaires et à nous libérer de nos préjugés, apprendre à penser en systémique, à relier plutôt qu’ à séparer, il ne s’agit pas d’éclipser les savoir-faire techniques mais de renforcer les capacités à repérer, mobiliser et mettre en synergie des initiatives de terrain, à activer des collaborations qui mettent en avant l’intelligence collective et le partage des savoirs, la créativité et la co-construction de connaissances et de solutions propres à chaque territoire. Et cela ne se décrète pas, cela s’apprend, se vit et s’expérimente. » Stéphanie Wattrelos Rutily, Urbaniste, chargée de projets pédagogiques, Campus AFD
« Ce que je retiens de mon parcours sur « Faire la ville ensemble », ce sont ces moments forts qui ont ponctué les différentes phases de mise en œuvre de la participation en tant qu’outil indispensable pour la fabrique de la ville. Cet exercice, aussi complexe qu’instructif, nous a permis, en tant que participants, de nous mettre face aux défis de nos villes, particulièrement en Afrique, où l’anarchie, la précarité et l’absence de planification stratégique constituent les traits majeurs qui les caractérisent. Toutefois, tout au long de l’apprentissage de ces méthodes de participation, nous nous sommes aperçus qu’il est possible de rêver de villes africaines inclusives et durables, construites autrement, avec de nouvelles démarches faisant impliquer les différents acteurs dans la construction d’une vision collective et partagée de leur ville, offrant ainsi aux différentes parties prenantes la possibilité de se projeter ensemble et d’agir vers un but commun. Ces méthodes sont d’une grande utilité pour l’Agence d’Urbanisme du Grand Tunis, œuvrant particulièrement pour l’assistance aux collectivités locales dans l’élaboration de leurs outils de planification urbaine qui constituent une occasion pour la mise en pratique de la démarche participative. » Jihène Ghiloufi Dahmeni, Ingénieur, directrice de la gestion des informations urbaines, à l’Agence Urbaine du Grand Tunis (AUGT) – Tunisie
La structure pédagogique de « Faire la Ville Ensemble », co-construite avec les acteurs locaux, alterne des temps d’e-learning et des temps collaboratifs au sein d’un atelier numérique, sur la base de principes pédagogiques innovants, à savoir :
Conçue comme un bien commun numérique, la plateforme Faire la Ville Ensemble propose des contenus pédagogiques dynamiques et interactifs (expériences de terrain, vidéos, infographies, à boîtes à outils, quiz,..) à découvrir à son rythme et en autonomie ;
Et pour explorer, inventer, se mettre à la place de…et apprendre par le jeu, l’intelligence collective et la créativité, les postures, méthodologies et outils de la participation, des ateliers numériques collaboratifs ponctuent l’ensemble du parcours pour ceux qui ont plus de temps.
Plus qu’une simple formation, Faire la Ville Ensemble est un véritable apprentissage qui s’appuie sur l’innovation, l’intelligence collective et la force du partage d’expériences. C’est avant tout une communauté d’acteurs de la ville engagés qui souhaitent remettre l’humain au cœur de la construction de la ville.
Inscrivez-vous sur : https://www.fairelaville-ensemble.fr
Article publié avec l’aimable coopération de African Cities magazine
et de Leandry JIEUTSA, urbaniste et fondateur de : Africa Innovation Network – www.africinno.com
Article paru dans Archibat n° 58, 07/2023. p. 76 – 79.
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