SEPTEMBRE, une agence d’architecture basée à Paris, fondée par cinq architectes talentueux : Dounia Hamdouch, Lina Lagerström, Emilia Jansson, Memia Belkaid et Sami Aloulou. Leur approche novatrice, associée à leur diversité culturelle, leur permet d’envisager les projets en France et à l’international avec un regard frais. SEPTEMBRE aborde les espaces sans limites d’échelle ni de programme, en tenant compte des enjeux actuels et en expérimentant de nouveaux modes de vie et de construction durables. Leur travail a été récompensé par le prix FAIRE 2021 et le prix Mies Van Der Rohe EUMiesAward en 2017. L’agence continue de se distinguer par son talent et son engagement dans la création d’espaces architecturaux innovants.
Vous êtes une équipe multiculturelle et pluridisciplinaire, dans quelle mesure cela influence-t-il votre travail ?
Aussi paradoxal que cela puisse être cette identité multiple, nous ne la portons pas comme un étendard, alors même qu’elle est inscrite dans le logo de notre agence. Nous sommes multiculturels par essence, cela se traduit de manière organique dans les échanges que nous avons lors de la conception des projets, dans les pas de côté que nous pouvons faire des fois sur des sujets spécifiques que nous rencontrons dans nos projets : le rapport à l’intime, la valeur du seuil, la question du cadrage, l’ouverture sur l’environnement extérieur ou au contraire la protection par rapport à celui-ci, la pertinence ou non de certains modes constructifs etc…
En somme la question du « Milieu » dans son acception large irrigue intensément notre travail mais nous restons en même temps une agence établie en France, à Paris avec des problématiques de la métropole historique dense, mais que nous regardons avec les lunettes de nos cultures respectives. Le fait que nous ayons des formations d’architectes, d’urbanistes et d’architectes d’intérieurs nous permet tout à la fois d’appréhender les projets sans cloisonnement d’échelle. Nous essayons de tirer un même fil conceptuel de la poignée de porte jusqu’à l’aménagement d’une place. Ce n’est pas pour autant un emboîtement d’échelle mais une réflexion à échelles multiples…
Dans vos réalisations, nous voyons plusieurs projets de restructuration et de réhabilitation. Quelle est votre approche face à un bâtiment existant ?
Nous considérons un bâtiment sur lequel nous devons intervenir comme un patrimoine vivant. Il a eu plusieurs vies avant nous et nous espérons modestement qu’il en aura tout autant après nous. Notre approche est de révéler ce passé et mettre en œuvre les conditions pour une réversibilité future.
Nous n’avons jamais été à l’aise avec « le geste architectural » peut être est ce une question générationnelle, les problématiques que rencontre notre génération et celle après nous sont tellement multiples et graves (crises idéologiques, climatique sociale etc…), que cela implique selon nous une humilité à toute épreuve pour trouver l’attitude juste et responsable, presque silencieuse.
Il faut être conscient que les bâtiments sont des témoignages toujours debout de pratiques et de savoir-faire parfois disparus. C’est une responsabilité lourde.
Cette responsabilité lourde ne veut pas dire pour autant une démission de l’architecte face à l’enjeu du patrimoine, mais nous voyons dans la réhabilitation plutôt une manière de sortir des standards, sortir des routines qu’impose le système immobilier actuel. C’est aussi se questionner à travers des savoir-faire passés de la pertinence des réflexes constructifs que nous avons aujourd’hui.
Il se trouve que dernièrement dans le cadre d’un concours, nous avons fait la visite d’un ancien hôtel particulier situé à Paris, datant du 19ème siècle, qui a fait l’objet d’une extension dans les années 1950, puis une réfection de façade dans les années 1970 et enfin une surélévation dans les années 2000. L’immeuble est un axe du temps vertical à lui tout seul et c’est affligeant de voir la perte de savoir-faire et d’ingéniosité qu’il y a eu en si peu de temps.
Vous consacrez un volet important de votre travail à la réflexion et à l’expérimentation. Quelle en est l’importance selon vous et comment cela s’exprime-t-il dans vos projets ?
Il y a en effet une part importante de réflexion « annexe » ou « hybride »
dans le cadre de notre travail d’agence à laquelle nous voulons consacrer un vrai temps mais ce n’est pas toujours facile. Toutefois nous arrivons à mener depuis un peu plus d’1 an un vrai projet prospectif sur la question de la cuisine, « un lieu où l’on fait plus que cuisiner ».
Il s’agit d’une enquête/action que nous avons proposée au Pavillon de l’Arsenal (une institution parisienne promouvant l’architecture hexagonale) dans le cadre de son programme « Faire » et dont nous avons été lauréats. La question de la cuisine comme lieu essentiel de la sociabilité est un fil rouge de notre pratique depuis nos débuts, nous essayons de comprendre ce qui permet de la mettre en œuvre de façon pragmatique et optimale que ce soit à l’échelle du logement ou à l’échelle de l’opération.
Quels étaient les challenges que vous avez rencontrés lors de votre participation au concours du musée de Carthage ?
Nous étions conscients que nous ne répondions pas à un projet de musée archéologique mais à un projet de SITE archéologique aux contours beaucoup plus larges. Il est évident que le site de l’acropole de Byrsa est vécu depuis des années par les habitants de Carthage et de la banlieue Nord comme un véritable espace public, un parc où se croisent touristes, amoureux d’archéologie mais aussi des couples d’amoureux, tout court…
Notre défi a été de perpétuer cet espace public ouvert qui fonctionne avec un musée qui se hisse aux standards des grands musées nationaux.
L’idée du patio est venue ainsi, cette géométrie permet de concentrer les espaces muséaux et de leur donner une limite franche par rapport au « site/espace public ». Les espaces « collectifs » du musée sont localisés au rez de chaussée et pourraient fonctionner en dehors des heures d’ouverture du musée alors que le parcours des expositions permanentes et temporaires sont organisée dans une boucle continue à l’étage avec aux quatre angles des vues immersives vers le site de Carthage d’où l’idée de Quadrirama. Ces deux dispositifs simples, patio dans un parc, sont organisés pour l’un sur la trame orthogonale romaine et l’autre plus organique, sur les traces révélées des vestiges puniques. Le dernier défi était sur la matérialité que nous voulions pérenne et pertinente d’un point de vue constructif et de durabilité. Nous nous sommes appuyés sur les conseils avisés de l’agence Arkitektaal (Architecte spécialiste HQE) pour sourcer la pierre de Tabout, une pierre calcaire blanche extraite à moins de 50 km du site, que nous montons en parement sur une ossature en béton armé.
Article paru dans Archibat n°58 – Juillet 2023