La mosquée al Tasamoh, située sur une parcelle dans la zone de Sanhadja, un village qui fait partie du gouvernorat de Mannouba, est un projet récemment conçu par l’Agence TASEGDA Architecture -« Akram Bsila ». Une belle réalisation de projet d’architecture sacrée, qui prouve une fois de plus combien la création contemporaine de lieux de culte est riche et continue de passionner les architectes.
Avant toute chose, le projet a été une opportunité pour participer à la réalisation d’un nouveau chapitre dans la conception des mosquées en Tunisie et à changer la vision de la population à l’égard des formes extérieures traditionnelles de ces bâtiments et d’aller au-delà des espaces richement ornementées, cette facette des mosquées dont l’image encombre la mémoire collective.
A cette fin, la mosquée a été pensé de manière à combiner les bases fondamentales de point de vu espaces et éléments ayant une valeur hautement symbolique comme : le Minbar, le mihrab, le minaret, la salle de prière… avec une architecture sobre et contemporaine. Plus concrètement, la mosquée se caractérise par une géométrie simple dérivée d’une attitude architecturale minimaliste créant une atmosphère globale épurée libérée de toute pesanteur de fond ou de forme, et ce choix d’éviter les éléments ornementaux et d’enjamber la complexité était le résultat d’une réflexion sur les rapports de l’essentiel et du fonctionnel, en effet, on a imaginé la mosquée comme étant un espace qui aide à réfléchir, à méditer, à être en relation directe avec dieu, à se désencombrer émotionnellement et spirituellement, à s’échapper à l’être matériel et à lâcher-prise des soucis matériels inutiles, à exclure tout ce qui est dérisoire et se focaliser justement sur l’essentiel.
En effet, la volumétrie se définit dans sa globalité par une composition simple et épurée de liges parallèles créant deux volumes monolithes inscrits l’un d’un l’autre, conçue comme une boite dans la boite ou plutôt « un double volume », le premier qui abrite la salle de prière est enveloppé d’un deuxième formant une seconde peau, ce deuxième volume forme d’une part un outil de régulation climatique étant donné qu’il permet notamment de protéger la salle contre les rayons directs du soleil et la hausse des températures en pleine canicule, de réguler le gain de chaleur, de faciliter le processus de rafraîchissement naturel, et de fournir un effet de refroidissement ce qui promet de générer une atmosphère interne qui garantit le confort humain d’une façon non onéreuse, non énergivore, et plus durable, et d’autre part, sur le plan spatial, ce volume forme une galerie qui relie les trois entrées conçues pour la mosquée de manière à permettre une circulation efficace et simple entre les différents espaces, ainsi, cette galerie cerne la salle de prière qui de son côté se caractérise par une esthétique minimaliste et un intérieur dépouillé qui baigne dans la lumière et la blancheur, qui parle directement et simplement à l’âme humaine, qui inspire pour prier et être seulement avec dieu pour se concentrer essentiellement sur l’essence et se détacher de l’aspect chaotique de la vie et du monde extérieur et pour se retrouver dans un monde où règne la tranquillité et la pureté, là où chaque écho, de joie comme de peine, se fond dans un vaste silence d’une sérénité et de quiétude. Dès l’entrée à la salle de prière, le regard est attiré par une faisceau de lumière provenant d’en haut, en effet, on a pensé à créer symétriquement deux lucarnes qui délimitent la pièce des deux côtés latéraux, comme un orifice ouvert vers le ciel pour que la lumière du jour irradie et inonde la salle, deux ouvertures zénithales qui créent des murs sans-limite, une percée infinie qui semble être une extension du ciel et qui permet également de scruter l’horizon à travers cette ligne étincelante, un itinéraire de l’âme vers dieu permettant de recevoir et d’atteindre la lumière de l’infini, un mirage lumineux qui aide à laisser partir les résidus émotionnels douloureux, soucieux et à mettre tous les sens en éveil, des rayons du soleil pénétrant en effet discret, agréable, modéré et se projetant doucement sur les visages des fidèles accentuant le charme avec lequel ils prient.
Au centre de la salle de prière, une allée axiale mène vers le mihrab qui se situe au fond, ornée d’un caractère particulier, cette pièce maitresse crée l’évènement au sein de la sobriété qui imprègne la salle, célébré comme un point focal orné par un verset de coran calligraphié en arabe, une calligraphie délicatement conçue en collaboration avec un artiste tunisien, des lettres découpées en métal noir contrastant avec une surface toute revêtue en pièces de marbre ayant différentes dimensions et différents tons de gris et embrassant la lumière imminente du ciel qui s’écoule et forme un halo sacré enrichissant les détails et produisant un effet diffus fournissant une qualité de lumière mystique et significative.
Par conséquent, dans l’ensemble on a essayé que la lumière physique extérieure soit l’âme de la mosquée qui rejaillit partout et qui se reflète dans les esprits en une lumière spirituelle intérieure, ceci dit que de point de vue conceptuel et spatial,le soleil a été étudié de manière à intervenir généreusement et abondement dans tous les espaces en tenant compte de l’heure de la journée et de sa position dans le ciel, et cette expérience d’observation de la lumière qui change à mesure que le temps change, de guette de son cycle quotidien durant les différentes heures de prière, de contemplation du jeu complexe et de la magnifique interaction entre l’ombre et la lumière, entre la lumière et le soleil, entre le temps et l’espace manifeste clairement l’existence et la puissance de Dieu et offre la possibilité de sentir la vibration continue du monde, de sentir que toute chose a un sens, et qu’il n’y a pas de temps mort, toutes les heures de la journée dégagent la vie et l’énergie à travers cette lumière.
En plus, toutes ces sources de lumière forment également des sources d’air neuf avec des formes et des emplacements qui ont été soigneusement pensés au niveau de la conception selon des exigences, l’orientation et le flux de l’air,de manière à permettre à l’air de circuler et de ventiler naturellement le bâtiment et à créer des espaces intérieurs avec un climat frais et de prouver qu’aujourd’hui même les mosquées sans climatisation peuvent être confortables et agréables à vivre.
Un autre dispositif fondamental au niveau de ce projet est le patio, en effet, la mosquée tourne autour de 4 vides qui servent d’une part comme des éléments unifiant et séparant les espaces, et d’autre part comme des outils permettant un apport d’air et de lumière naturels.
Le grand patio central, à la fois une terrasse sous la forme d’un prolongement de la salle de prière où les gens peuvent se rassembler et se socialiser après les heures des prière et un lieu de passage ouvert séparateur et transitoire qui sert d’intermédiaire entre la salle de prière et l’espace d’ablution qui donne également sur deux petits patios végétalisés agissant comme des puits de lumière et des sources d’air.
Par ailleurs, Cette cour intérieure à ciel ouvert est définie d’un côté par un mur perforé avec des petites ouvertures carrées filtrant la lumière à l’espace d’ablution offrant une connectivité visuelle et habillé en briques rouges, d’ailleurs, c’est le matériau qui a été choisie pour habiller toute la partie inférieure de la mosquée afin de créer une sorte de peau texturée de couleur terreuse faisant rappel à la nature originelle et authentique du corps humain, et contrastant avec la partie supérieure qui est de son côté lisse et toute blanche à l’image de l’essence et l’âme, ainsi, la touche de couleur terreuse rend le blanc plus pur, et le blanc rend la couleur plus éclatante.
En outre, une panoplie et combinaison de différents types de plantes qui jonchent ce mur créant une petite » foret « intérieure » a dûment enrichie le patio et permet de créer un havre de tranquillité et une atmosphère résolument zen et apaisante, et du coup, on peut ressentir le coté divin et entrer en étroite relation, voire même fusion, avec l’ineffable divinité, dans cet espace où toutes les créations de dieu se rassemblent : la terre, le ciel, l’homme et la végétation : Cactée, papyrus, olivier, palmier…
Finalement, bien que la construction d’une mosquée est un processus délicat, ce projet était marquant, ce n’était pas une simple réponse pour la demande du client ou une simple réflexion pour un programme selon ce que la fantaisie de l’architecte lui conseillait, c’était bien plus que ça, c’était plutôt un projet qui a jailli de quelque source profonde, puissante et inaltérable, la passion et l’amour de l’architecture, et c’était ça la source de la patience et la persévérance pour finalement réussir à relever tous les défis : Créer une architecture durable, écologique, minimaliste, sereine, appréhendée principalement comme une langue qui parle à l’esprit…Et à vrai dire, il ne suffit pas d’avoir la bonne volonté et la patience pour atteindre le résultat recherché, tout cela n’aurait pas été possible sans la confiance absolue donnée de la part du client à l’architecte.
Texte : Amel Zribi – photos : Akram Bsila
On vous met l’article paru dans Archibat numéro 53 (décembre 2021) en accès libre…Abonnez-vous pour lire le reste du numéro !