Pouvez-vous vous présenter ?
Fatma Jabberi Farroukh, je suis architecte, actuellement chef du service technique au Centre des Musiques Arabes et Méditerranéennes et je suis la conservatrice du musée Ennejma Ezzahra qui en fait partie.
Pouvez-vous nous parler de votre cursus académique et professionnel ?
Mon cursus académique a commencé à l’Ecole Nationale d’Architecture et d’Urbanisme. J’ai eu la chance d’étudier mes premières années à Bab Saadoun donc avec l’école des Beaux-Arts. Ce mélange avec les étudiants des Beaux-Arts était très bénéfique pour notre formation…C’est, peut-être, quelque chose qui manque à nos étudiants actuellement. Après j’ai terminé les dernières années à Sidi Bou Saïd. Bien sûr, après l’ENAU, j’ai fait plusieurs formations que ce soit dans le cadre de ma vie professionnelle actuelle ou autre, pour affiner et améliorer mes compétences, et jusqu’à aujourd’hui je continue à apprendre, en effet je poursuis un master en Mangement de la culture et aussi je suis doctorante en Histoire Archéologie et Patrimoine.
Du côté professionnel, bien sûr j’ai pataugé par-ci et par-là : au départ j’ai travaillé dans des bureaux d’architectes privés. A un certain moment, j’ai ouvert mon propre bureau d’architecture, ensuite j’ai eu la chance de participer à un concours pour le recrutement d’un architecte à l’Institut National du Patrimoine. Le patrimoine étant depuis toujours ma passion, j’ai travaillé à l’Institut National du Patrimoine pendant plus de 4 ans où j’ai acquis une belle expérience dans ce domaine fort passionnant. Par la suite, j’ai été détachée au Centre des Musiques Arabes et Méditerranéennes, Palais Ennejma Ezzahra. Au départ, c’était pour suivre un grand projet de réaménagement de toute la partie extérieure ;
un projet qui touchait à l’infrastructure et à quelques bâtiments d’accueil, et après j’étais chargée de la conservation du musée donc je continue à suivre tout ce qui est technique au niveau de tout le site et aussi tout ce qui est conservation, restauration, du bâtiment et des collections
Qu’est-ce qu’un architecte fonctionnaire et quels sont les administrations que l’architecte fonctionnaire pourrait intégrer ?
Un architecte fonctionnaire est un architecte qui travaille dans la fonction publique, l’administration en général, quant aux attributions de l’architecte dans la fonction publique et donc de l’architecte fonctionnaire ils sont multiples je commence par moi-même éventuellement je suis architecte mais je suis aussi conservatrice de musée c’est un autre volet ou un autre axe qu’un architecte peut très bien assumer. Les attributions sont très multiples ça peut être une responsabilité administrative, technique, d’entretien de réseaux, de suivi de chantier, de suivi de construction d’équipement administratif ou autre …
Quelles sont les qualités requises pour ce profil ?
Comme tout travail, les qualités sont d’abord d’être passionné et d’aimer ce qu’on fait et produire en fonction de ça. Toute personne est égale à l’autre mais il faut vraiment travailler sur nous-mêmes pour améliorer nos compétences en fonction de ce qui est demandé dans notre travail. Il n’y a pas vraiment de qualités préexistantes mais il y a des qualités sur lesquelles on peut travailler et dans lesquelles on pourrait s’améliorer.
Comment et pourquoi avez-vous choisi d’intégrer l’administration ?
Mon choix pour l’administration était un peu, je ne vais pas le dire par hasard, mais il y a quand même des opportunités qui se présentent à nous dans la vie, pour certains bien-sûr, on ne choisit pas vraiment notre destinée ou notre but ultime… Bien sûr on travaille mais il y a toujours différentes portes qui s’ouvrent à nous. Personnellement la porte qui s’est ouverte à moi c’est le patrimoine, ce n’est pas vraiment le poste de fonctionnaire ou d’architecte fonctionnaire qui me tentait, dès que j’ai eu les échos par rapport à ce concours à l’Institut National du Patrimoine c’était un peu mon rêve et je pense aussi qu’un grand nombre d’architectes ont un faible pour tout ce qui est patrimoine, héritages, monuments historiques, la médina, les médinas de la Tunisie, les sites archéologiques. J’étais vraiment dans une euphorie de penser que je pourrai travailler dans cette immense histoire de nos bâtiments donc c’était le choix du patrimoine et non le choix de la fonction en tant que tel..
D’après-vous, manque-t-il, dans notre formation, un axe sur le volet administratif du métier?
C’est une projection entre formation et métier donc là il n’y a pas une formation, actuellement du moins, qui vise exactement un poste bien précis qu’il soit administratif ou autre. Bien évidemment au moment où on est dans un poste on est obligé de faire des recherches, d’améliorer les compétences, de revenir peut-être sur des cours qu’on avait vu mais auxquels on n’a pas donné assez d’importance. Pendant les 6 années d’études on ne peut pas avoir tout dans la tête, mais après je pense qu’on a de bonnes bases qui nous permettent d’être polyvalent d’une part et qui nous permettent aussi d’avoir la flexibilité de notre esprit pour apprendre et continuer à se former. Pour résumer un peu tout ça, la formation au métier d’architecte est très polyvalente mais, à mon avis devrait évoluer pour fixer ou cibler les nouveaux outils. Professionnels. Nous, nous n’étions pas vraiment préparés à toute cette nouveauté comme les nouvelles techniques de management des projets, mais après on a pu s’adapter et je pense qu’on a pu justement s’adapter à ces nouveautés grâce à notre formation d’architecte.
Quels sont les atouts et les limites de ce profil ?
Bien évidemment être architecte dans la fonction publique ou architecte fonctionnaire, pour moi du moins, a l’inconvénient d’être un peu restreint, de devoir être dans le moule. L’architecte a besoin de beaucoup plus de liberté mais là au niveau de la fonction on est toujours restreint par la hiérarchie, par tout ce qui est réglementation, temps, rouage administratif. En général l’architecte est toujours perspicace, il veut accélérer les choses, pour lui le but ultime c’est de terminer une tâche ou les travaux dans les plus brefs délais et dans les meilleures conditions. Avec l’administration, on apprend à se résilier un peu, à ralentir parfois pour s’adapter à ce mode de fonctionnement mais après, parfois, on contribue à accélérer les choses.
Un mot pour nos futurs architectes ?
Aux futurs jeunes architectes ; je leur dis de rester humbles, de rester toujours égale à sois-mêmes, de savourer ce métier, être architecte pour moi, ce n’est pas un métier, l’architecture c’est un mode de vie, dès qu’on entre à l’école d’architecture, tout change en nous, même notre façon de penser. En rentrant chez nous, on ne va pas se dire, maintenant nous ne sommes plus architectes, on continue à tout aborder en tant qu’architecte. Du coût il faut garder sa passion, il faut être persévérant et surtout observer tout ce qui nous entoure et respecter aussi ce qui a été fait. Bien sûr, je suis dans le domaine du patrimoine, donc j’apprends toujours de ce riche héritage et c’est très important de considérer ce qu’avaient fait nos ancêtres dans le passé pour pouvoir avancer et bâtir notre futur.
Article paru dans Archibat n°51 – Avril 2021