Être architecte en Tunisie implique, dans son essence, d’assurer la supervision générale des travaux de construction. En tant que maître d’œuvre, l’architecte guide chaque étape du processus, veillant à la conformité avec le dossier d’exécution et les normes de qualité. Il communique régulièrement avec le client pour l’informer de l’avancement des travaux et le conseille lors de la réception finale de l’ouvrage. Malheureusement, en dépit de l’existence depuis cinquante ans d’un prétendu Ordre régissant cette noble profession en Tunisie, la réalité est loin de répondre à ces attentes. Notre production architecturale offre une image pâle et décevante de ce que nos villes devraient refléter en termes d’héritage civilisationnel.
Il est légitime de se questionner sur la nature de l’architecture : est-ce simplement la conception des bâtiments (l’habitat), ou est-ce plutôt la façon dont les individus vivent et interagissent avec ces structures (l’habiter) ? Car la distinction entre ces deux notions va bien au-delà d’une simple nuance ; elle représente une différence fondamentale.
C’est une distinction entre résider et l’endroit ou la place. Résider dans un espace, même modeste, constitue un besoin essentiel pour chacun, servant de point de départ avant d’explorer le monde. Parmi les besoins les plus familiers et fondamentaux, mais souvent négligés et méconnus, figure celui d’avoir un lieu d’habitation.
Selon Heidegger, le projet architectural ne devrait pas émerger uniquement de l’intentionnalité de l’architecte, mais plutôt être envisagé tel une graine en attente d’éclosion, en harmonie avec le contexte environnant où le bâtiment prend forme. L’architecte doit ainsi développer une relation empreinte de soin, d’attention, et de « ménagement » envers la terre.
Dès lors pourquoi le recours sensé être une nécessité sociale devient une obligation par la force de la loi dans notre pays. Cette obligation légale peut découler de diverses raisons, notamment la volonté des autorités de garantir des normes de sécurité, de qualité de vie ou de développement urbain durable pour les citoyens. En imposant ces règles par la loi, les gouvernements tentent souvent de réguler et de contrôler l’aménagement du territoire et la construction afin de répondre aux besoins et aux intérêts collectifs de la société. Cependant, cela peut parfois être perçu comme une contrainte excessive par certains acteurs du domaine de l’architecture ou de l’urbanisme, en particulier lorsque cela limite leur liberté créative ou leur autonomie professionnelle.
Il est crucial de trouver un équilibre entre la régulation nécessaire pour le bien-être public et la préservation de l’intégrité professionnelle. Les débats sur ces questions soulignent souvent la nécessité d’un dialogue continu entre les professionnels de l’architecture, les autorités régulatrices et la société afin de trouver des solutions qui répondent aux besoins de toutes les parties prenantes.
Mais lorsque l’obligation légale dans le domaine de l’architecture est perçue par les professionnels comme une protection corporatiste plutôt que comme un devoir professionnel, cela peut susciter des réactions mitigées.
Enfin c’est quoi un ordre professionnel puisque c’est de ses cinquante ans d’existence pour les architectes qu’on en parle.
Un ordre professionnel est une organisation établie pour réglementer et superviser une profession spécifique. Son rôle principal est de veiller à la qualité des services fournis par les membres de cette profession, de promouvoir des normes éthiques et de protéger l’intérêt public. Les ordres professionnels sont généralement responsables de l’octroi de licences, de la réglementation de la pratique professionnelle, de la mise en place de codes de déontologie, de la formation continue, et parfois de la médiation en cas de litiges.
Dans le cas des architectes, un ordre professionnel des architectes serait responsable de la régulation de la profession architecturale. Cela inclut la délivrance de licences aux architectes qualifiés, la supervision de leur pratique, l’établissement de normes professionnelles, la promotion de la formation continue, et la protection des intérêts du public en veillant à ce que les projets architecturaux respectent les normes de qualité et de sécurité.
L’existence d’un ordre professionnel pour les architectes vise à assurer une pratique professionnelle éthique et compétente, à protéger le public et à promouvoir l’excellence dans le domaine de l’architecture.
Est le cas en Tunisie où la confusion avec un syndicat des architectes où le syndicat, en revanche, est une organisation qui vise à représenter et à défendre les intérêts collectifs des architectes. Les syndicats peuvent se concentrer sur des questions telles que les conditions de travail, les salaires, les droits professionnels et d’autres aspects liés à la vie professionnelle des architectes.
Si ces deux entités sont mêlées de manière confuse, cela pourrait entraîner une dilution des responsabilités et une difficulté à atteindre efficacement les objectifs spécifiques de chaque type d’organisation. Il est important d’avoir une structure claire et définie pour chacune de ces entités afin de garantir un fonctionnement optimal de la profession d’architecte, en équilibrant la régulation de la profession et la défense des droits des architectes.
Le recours obligatoire à l’architecte est-il néfaste. L’impact de l’obligation de recourir à un architecte dépend de divers facteurs, tels que la nature du projet, la taille du budget, et les objectifs spécifiques de construction. Une réglementation bien équilibrée qui prend en compte ces divers aspects peut contribuer à maximiser les avantages tout en minimisant les inconvénients. Donc on est obligé de trouver une flexibilité, Ce type de situation soulève la question de la pertinence des seuils fixés par la réglementation. Les autorités peuvent définir des seuils basés sur des critères tels que la taille du projet, la complexité de la construction, les enjeux de sécurité, ou d’autres considérations. Cependant, il est crucial de s’assurer que ces seuils correspondent réellement à l’impact et à la complexité du projet.
Des ajustements ou des exemptions basés sur des critères plus spécifiques tels que la localisation géographique, la densité urbaine, ou d’autres facteurs pertinents peuvent être envisagés pour garantir que la réglementation reflète de manière plus précise la réalité des différents projets de construction. Cela contribuerait à assurer une réglementation plus juste et adaptée aux besoins spécifiques de chaque contexte.
Le déni du rôle de l’architecte dans un pays peut découler de divers facteurs, qui peuvent varier en fonction du contexte spécifique. Voici quelques raisons possibles :
- Méconnaissance de la profession : Dans certaines sociétés, il peut y avoir une méconnaissance ou une sous-estimation du rôle de l’architecte. Les gens peuvent ne pas être pleinement informés de la valeur ajoutée qu’un architecte apporte à un projet de construction.
- Pressions économiques : Les pressions économiques peuvent conduire à des tentatives de réduction des coûts, ce qui peut entraîner un désinvestissement dans des services professionnels tels que ceux fournis par les architectes.
- Manque de sensibilisation : Le manque de sensibilisation à l’importance de l’architecture et du design dans la création d’environnements de qualité peut contribuer au déni du rôle de l’architecte. La conception architecturale peut être perçue comme un luxe plutôt que comme une nécessité.
- Réglementation inadéquate : Des lacunes dans la réglementation ou son application peuvent affaiblir le statut et le rôle de l’architecte. Des politiques inadéquates peuvent ne pas reconnaître ou protéger efficacement la profession.
- Influence de divers acteurs : Les décisions concernant les projets de construction peuvent parfois être prises par des personnes ou des entités qui ne comprennent pas pleinement l’importance de l’expertise architecturale.
- Manque de reconnaissance culturelle : Dans certaines cultures, l’architecture peut ne pas être suffisamment reconnue comme une discipline cruciale pour le développement et la qualité de vie.
- Prédominance d’autres professions : Dans certains pays, d’autres professions liées à la construction, comme les ingénieurs, les décorateurs ou les entrepreneurs, peuvent jouer un rôle plus prédominant, reléguant l’architecte à un rôle secondaire.
Pour adresser ces problèmes, il peut être nécessaire de sensibiliser davantage le public, de renforcer la réglementation et de promouvoir la valeur de l’architecture dans la société. Une collaboration entre les professionnels de l’architecture, les autorités et la société civile pourrait contribuer à une reconnaissance plus complète et à un respect accru du rôle de l’architecte.
Le déni du rôle de l’architecte dans un pays peut découler de divers facteurs, qui peuvent varier en fonction du contexte spécifique. Voici quelques raisons possibles :
Ilyes Bellagha , Président de l’association « Architectes ; Citoyens »