Pouvez-vous vous présenter ?
Bonjour je m’appelle Selim Gribaa, je suis réalisateur et producteur de cinéma, je suis aussi concepteur de projet culturel et j’enseigne aussi aux étudiants d’architecture, la vidéo et les images de synthèse.
Pouvez-vous nous parler de votre cursus académique et professionnel ?
Natif de Hammem Lif, j’ai eu mon bac au lycée de Hammam Lif et après je suis parti faire l’architecture à Paris. J’ai eu mon 1er cycle à l’Ecole Nationale d’Architecture de Paris Val-de-Seine et après je suis revenu à Tunis à l’ENAU pour terminer mes études. Une fois les études terminées, j’ai commencé à travailler dans l’architecture mais très vite j’ai switché pour le cinéma pour la production audiovisuelle. Maintenant je travaille dans le secteur culturel en général.
Comment pouvez-vous définir votre profil ?
Pour définir mon profil, étant architecte, j’aime bien la notion de bâtisseur, je pense que je suis un bâtisseur culturel.
A quel moment de votre cursus avez-vous décidé de devenir producteur/réalisateur ?
Très tôt, j’ai voulu devenir réalisateur de cinéma, déjà depuis les études en architecture… quand j’étais étudiant, je voulais faire du cinéma. En même temps, j’étais dans une école d’architecture où j’avais accès à un savoir qui était assez polyvalent et passionnant parce qu’il y a des matières en rapport avec la sociologie, il y a des matières en rapport avec l’art, avec l’ingénierie… donc c’était quand même passionnant et j’ai attendu de terminer l’architecture pour aller après vers le cinéma. J’ai eu quelques expériences quand j’étais étudiant en architecture pour faire des petits films mais le cinéma a commencé après mes études.
En quoi votre formation d’architecte était favorable pour forger votre compétence et votre regard audiovisuel ?
L’architecture a été pour moi très importante justement pour aborder le thème du cinéma parce que déjà au niveau des études, comme je l’ai dit avant, c’est assez polyvalent ; on a le côté sociologique, artistique mais aussi technique donc tout ça nous a aidé, en tant qu’étudiant, à pouvoir justement manipuler les projets complexes. C’est la complexité qu’on apprend à manipuler parce que moi je ne crois pas que les choses sont compliquées je crois que les choses sont complexes et à quel point on est apte à aborder la complexité. Les études en architecture nous apprennent à gérer en fait la complexité, à gérer plusieurs paramètres. Parfois de rien, on doit faire surgir un bâtiment qui doit obéir à un contexte politique, historique, social, économique donc tout ça on l’acquiert en étant étudiant en architecture et après bien-sûr dans la pratique on le concrétise. Le métier d’architecte nous forme à être un manager de projet complexe. Pour moi au niveau du cinéma je trouvais que c’était naturel. bien sûr il y a le côté aussi artistique plastique… les architectes ont des notions au niveau des couleurs, des proportions des seuils et des transitions, des parcours, des scénarii de découverte, tout ça on le garde pour l’utiliser en tant que cinéaste mais aussi pour décrypter aussi les films parce qu’un architecte peut décrypter un film, analyser et acquérir un savoir assez particulier parce qu’il a une capacité d’analyse justement de ces paramètres complexes.
Comment se manifeste le regard et l’esprit créatif dans vos productions/réalisations ?
Dans mes réalisations, en tant que réalisateur de cinéma et producteur, je m’attache toujours et je m’intéresse à travailler des projets, plutôt innovants. Aborder des sujets qui n’ont pas été abordés.
Je trouve que le métier d’architecte et de cinéaste se ressemblent beaucoup… je ne sais pas s’il y a deux métiers qui se ressemblent plus que ces deux-là. Déjà au niveau du management de projet c’est très important parce que l’architecte travaille avec plusieurs disciplines, plusieurs concepteurs avec lui, donc c’est lui le chef de file, celui qui a un projet… celui qui a une vision à mettre en place et à concrétiser avec plusieurs collaborateurs. On peut trouver des ingénieurs, on peut trouver des décorateurs, on peut trouver des paysagistes, on peut trouver en fait une panoplie de concepteurs à côté de lui qui vont concrétiser le projet.
Il a un côté manager, il doit gérer un projet sur un long terme… parfois c’est un an, parfois ce sont des projets plus longs de 3 et 4 ans. Il faut avoir du souffle et avoir une vision managériale du projet. C’est pareil pour le cinéma, en tant que producteur et réalisateur, on est en train de travailler avec une équipe pluridisciplinaire sur un projet qui demande aussi beaucoup de souffle et qui respecte les mêmes phases d’exécution. Pour le cinéma on a une phase de développement avec une phase de production et une phase de post-production. Ce sont les trois phases du processus de conception, Pour les architectes, c’est pareil, on a une phase d’esquisse, une phase d’études techniques et après on a la phase de chantier…
Après bien-sûr il y a les finitions c’est ce qui correspond au cinéma à la post-production (montage et étalonnage) donc ça se ressemble énormément. Ce sont deux métiers qui sont vraiment très semblables et forcément étant architecte ça m’a beaucoup appris et aidé pour faire du cinéma.
Pouvez-vous nous parler de vos films ?
J’ai commencé à faire des films depuis 2011, ce n’est pas un hasard parce qu’avec la révolution ça nous a permis de parler de façon plus libre et d’avoir moins d’entraves de s’exprimer y compris avec la caméra. J’ai fait quatre films ; j’ai commencé par un documentaire qui s’appelle « une plume au gré du vent » c’est un documentaire qui traite de manière fictionnelle des élections de 2011. En fait, j’ai suivi un groupe qui a mis en place un projet laïque pour le pays. Après en 2014, en fait, j’ai fait un film qui s’appelle « la maison mauve » c’est un court métrage et une fiction, une comédie dramatique de 30 minutes.
J’ai fait en 2016 un film qui s’appelle « Beb Jdid » c’est un thriller psychologique et surréaliste et en 2019, j’ai produit un court métrage qui s’appelle « 24 vérités » c’est mon dernier film en date, un film qui a pour premiers rôles Majd Mastoura, Sawsen Maalej et Cyrine Gannoun. C’est un thriller psychologique qui parle de cinéphilie et qui est aussi un film de genre. Et maintenant je travaille sur un projet de long métrage de fiction qui est en cours de développement.
Comment arrivez-vous à vous imposer dans ce domaine ?
J’ai toujours cru qu’on pouvait s’imposer par la qualité des projets qu’on présente… En Tunisie, nous sommes dans des industries culturelles qui ne sont pas vraiment encore mises en place et bien structurées et qui travaillent de façon dynamique. Je crois que le moteur de tout ça doit être la qualité des projets qu’on présente… j’ai toujours cru que faire un projet novateur créatif qui parle au public et qui traite les problématiques de la société c’est le meilleur garant pour que le système marche, pour que l’industrie marche. J’espère pouvoir m’imposer avec les projets que je soumets.
Un mot pour nos futurs architectes ?
Pour les futurs architectes et les étudiants que j’enseigne, je dirais, ayez à l’esprit que la conception architecturale est en train de s’enrichir grâce justement à la révolution numérique par la conception virtuelle. L’espace virtuel va prendre beaucoup plus d’ampleur que maintenant et concevoir dans l’espace virtuel va aussi être demandé si ce n’est plus, que quand on construit dans un espace physique donc moi je leur dis de s’y intéresser… de voir ce qui se passe, de bien se positionner parce qu’en fait ça va être un marché très concurrentiel parce qu’on va être en concurrence avec le monde entier parce qu’il y a pas de frontières, il n’y a pas de limites…
Il faudrait travailler et s’imposer dans l’univers virtuel.
Article paru dans Archibat n°51 – Avril 2021