Les bâtiments sont une source majeure d’émissions de gaz à effet de serre et il est essentiel de trouver des moyens de réduire ces émissions. La Conférence des Nations Unies sur le changement climatique de cette année, COP 27, a été une occasion importante pour discuter du rôle des bâtiments dans l’atténuation du changement climatique. Le Rapport sur la situation mondiale des bâtiments et de la construction 2022 (Bâtiments-GSR), publication phare de la Coalition mondiale pour les bâtiments et la construction (Global ABC), hébergée par le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) a été diffusé à cette occasion.
Le Buildings-GSR fournit un rapport annuel des progrès du secteur mondial du bâtiment et de la construction et examine l’état de la politique, du financement, de la technologie et des solutions pour vérifier si le secteur atteint les objectifs de l’Accord de Paris. Il fournit également aux parties prenantes les preuves nécessaires pour persuader les décideurs politiques et l’industrie de la construction au sens large d’agir. Le « Global Buildings Climate Tracker » (GBCT) montre que le secteur du bâtiment n’est toujours pas sur la bonne voie pour se décarboner d’ici 2050 et confirme un rebond négatif de la décarbonation du secteur du bâtiment depuis 2020, avec des augmentations de l’intensité énergétique et des émissions.
L’une des nouveautés de cette édition inédite, est que le rapport consacre un chapitre entier à l’Afrique élaboré par les experts tunisiens, Ibtissem Bouattay, Insaf Ben Othmane H. et Omar Wanas (Egypte).
Défis du parc immobilier de l’Afrique
Le chapitre consacré à l’Afrique tient compte de la diversité du continent et des grandes différences entre les régions du pays. Avec un dénominateur commun : population jeune et croissante, les réalités économiques, sociales et environnementales de tous les territoires africains sont prometteuses mais contrastent fortement avec un avenir incertain étant donné que la population devrait doubler d’ici 2050 pour atteindre environ 2,4 milliards.
Les bâtiments africains ont actuellement une faible résilience face aux impacts croissants du changement climatique, d’autant plus que plus de 50% des citoyens africains vivent dans des logements informels, auto-construits et auto-rénovés.
Le continent africain est l’un des plus vulnérables au changement climatique, la fréquence des catastrophes naturelles ayant triplé au cours des 30 dernières années. L’indice moyen de vulnérabilité climatique pour la majeure partie du continent est supérieur à 46 %. Bien qu’elle soit dotée de sources d’énergie renouvelables, la majorité de la population africaine souffre d’une faible accessibilité et d’un faible coût de l’énergie, avec seulement 43 % de la population du continent ayant accès à l’électricité en 2021.
En particulier, on estime que 70 % du parc immobilier africain reste à construire d’ici 2040, soit près de 50 milliards de mètres carrés, ce qui signifie que 70 millions de nouveaux logements devront être construits d’ici 2030. La construction de nouveaux bâtiments et le parc immobilier tiennent à peine le rythme rapide de la croissance démographique. Une grande partie de cette croissance se produit dans les villes, en particulier celles secondaires où l’urbanisation rapide a vu des centaines de petites villes africaines doubler de taille tous les 20 ans.
Ce contexte d’expansion rapide peut être une arme à double tranchant. En effet, on s’attend à ce qu’elle exerce une pression sur les infrastructures et les ressources énergétiques tout en exacerbant les déséquilibres sociaux et environnementaux existants, augmentant ainsi la vulnérabilité de la population au climat.
L’Afrique ne représente que 6 % de la demande mondiale d’énergie et un peu plus de 3 % de la demande d’électricité d’ici 2021, et est responsable de 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. En 2018, les bâtiments représentaient 61 % de la consommation finale d’énergie et 32 % du CO2.
En Afrique, les ménages représentaient 56 % de la consommation totale d’énergie finale en 2020. L’Agence Internationale d’Énergie (IEA) estime que la demande d’énergie et d’électricité des ménages pour les équipements et appareils de refroidissement continuera d’augmenter de manière significative jusqu’en 2030. Autrement dit, sur les 54 pays à fort impact et à risque de chaleur dans le monde, 24 se trouvent sur le continent africain. C’est un fait : les besoins en refroidissement sont considérés comme le plus grand défi pour les futurs besoins énergétiques résidentiels. Il est également important de souligner qu’en 2021, plus de 970 millions d’Africains (près des trois quarts de la population) n’ont pas eu accès à des installations de cuisson propres.
Enfin, les émissions de gaz à effet de serre (GES) devraient également augmenter, les industries de l’acier et du ciment représentant 38 % des émissions en Afrique, ce qui soulève la question de savoir comment orienter ces industries vers une production verte et des modèles commerciaux durables. La matérialité est fortement corrélée à la croissance, ce qui suggère qu’il est prudent de promouvoir l’utilisation de matériaux de construction durables et d’adopter un développement à faible émission de carbone à l’avenir. Les techniques et pratiques traditionnelles de construction durable sont les pierres angulaires du patrimoine culturel africain. En promouvant et en préservant ces techniques de construction et en les développant davantage, il devrait être possible de promouvoir des logements plus abordables et plus résistants au climat.
Contrairement aux pays développés, qui doivent passer de la construction neuve à la modernisation et rénovation, on estime que 70 % du parc immobilier africain en 2040 doit être construit. Cela représente une énorme opportunité pour la construction durable.
Des actions concrètes s’imposent désormais
Le secteur du bâtiment ne pourra pas être décarboné d’ici 2050, les émissions de CO2 et la consommation d’énergie opérationnelles de l’industrie sont à un niveau record, dépassant les pics pré-pandémiques. La conception durable, les pratiques de construction et les matériaux adaptés aux conditions locales présentent des opportunités pour les besoins de logement en croissance rapide sur le continent africain et dans le monde. Les gouvernements doivent accroître l’engagement politique, accroître les investissements et mettre en œuvre des feuilles de route pour des bâtiments et des industries de la construction à zéro émission, efficaces et résilients. L’industrie de la construction et les architectes doivent adopter des matériaux et des pratiques de construction durables.
Texte : Ibtissem Bouattay & Insaf Ben Othmane H. *Œcumene SpacesForDignity
Pour en savoir plus sur le rapport : https://www.unep.org/resources/publication/2022-global-status-report-buildings-and-construction