Géographe et urbaniste, François Laurent est directeur associé de l’agence Urba Plan basée à Lausanne. Depuis plus de vingt ans, il consacre l’intégralité de son activité professionnelle aux enjeux de développement des villes du Sud. Une des chevilles ouvrières du Pdui, François Laurent répond ici à quelques questions de La Presse à propos du choix de la ville de Sousse, telle que projetée par toute l’équipe du programme.
Pourquoi avoir choisi Sousse comme ville bénéficiaire du Pdui ?
Le choix de la ville de Sousse par le Seco s’explique par au moins deux raisons. D’une part, la ville de Sousse venait de se doter d’une Stratégie de développement de la ville de Sousse (Sdvs), élaborée de manière participative et consensuelle. Il existait donc déjà une base de réflexion solide sur laquelle construire le Pdui. D’autre part, la ville de Sousse, de par sa taille, son importance dans le Sahel et ses difficultés multidimensionnelles, constituait un terrain très fertile pour initier un projet de développement urbain qui se voulait intégré.
Comment faire de Sousse la « ville du quart d’heure » ?
Ce concept contemporain est désormais adopté par de nombreuses agglomérations européennes. Il est fort réjouissant que l’exécutif communal de la ville de Sousse se soit laissé séduire par cette approche. La ville du quart d’heure propose de rompre avec la spécialisation fonctionnelle des territoires et de changer nos rapports avec le temps, et avant tout le temps de la mobilité. En somme, il s’agit de ne plus subir la mobilité et les distances mais de retrouver et de se réapproprier son quartier. Dans cette perspective, la ville du quart d’heure vise à révéler, multiplier et diversifier les usages d’un même espace ou d’un aménagement urbain. Elle a pour but de valoriser et renforcer le lien social et affectif entre l’environnement urbain et les habitants. En somme, créer un attachement à la ville mais également entre les habitants. A Sousse, l’ambition est de retrouver le plaisir de la marche à pied, par une piétonisation de certains axes et la sécurisation des cheminements piétonniers.
La phase 2 du Pdui va-t-elle s’atteler aux problèmes environnementaux qui se sont aggravés au cours de la période postrévolutionnaire ?
Le projet devrait y contribuer de manière subtile et indirecte. En requalifiant les espaces publics de la ville, le Pdui cherche à faire évoluer le regard du citoyen sur son cadre de vie afin qu’il lui témoigne plus de respect et d’attachement. De ce fait, les actes d’incivilité devraient se montrer beaucoup plus rares ! L’appropriation de l’espace public par ses usagers doit renforcer simultanément les comportements plus citoyens.
Dans un autre domaine, l’appui donné à la cellule des Systèmes d’information géographiques (SIG) par le Pdui permet de monitorer de manière beaucoup plus rigoureuse les circuits de ramassage des engins de collecte des ordures ménagères. Cela permettra d’optimiser les circuits de collecte et d’ainsi améliorer la qualité du service fourni aux habitants avec comme corollaire un impact favorable sur l’environnement.
Quel intérêt du concept adopté par le Seco d’articuler, au sein d’un même projet, études stratégiques et opérations à forte visibilité et impacts rapides (quick-win) ?
Cette approche s’est montrée parfaitement pertinente au cours de la phase 1 du Pdui. Il s’agit de concilier le temps long du technique (formulation de stratégies) et les injonctions du politique d’avoir des résultats concrets à court terme. De plus, les études gagnent en crédibilité lorsque leurs préconisations sont testées en parallèle. A titre d’exemple, le Plan directeur des espaces publics (Pdep) a tiré sa légitimité de l’aménagement concomitant du parc public de Boujaâfar.
Propos recueillis par Olfa Belhassine
Source : La presse du 4/04/22