La Médina de Tunis est classée Patrimoine universel par l’UNESCO depuis 1979. Elle a reçu le Prix de l’Organisation des Villes Arabes pour les efforts déployés dans le domaine de la sauvegarde du patrimoine, le 22 février 1986. Elle était lauréate du prestigieux Prix Aga Khan d’Architecture à plusieurs reprises. Elle était le récipiendaire du Prix Jean-Paul L’Allier de l’Organisation des Villes du Patrimoine Mondial pour le projet du parcours urbain « De la Zitouna à Sidi Brahim » en 2011. Depuis 2017, elle est labellisée Ville créative.
Et la voilà enfin promulguée, à l’échelle nationale, Secteur sauvegardé, le 18 décembre 2024. La tâche qui doit suivre est immense, comparée à l’immensité du secteur ( En France, le plus grand secteur sauvegardé est celui de Toulouse, 230 ha).
Un soulagement pour les amoureux de la Médina et du patrimoine car cela doit, forcément, impliquer l’élaboration d’un outil juridique minutieux pour sa gestion, le PSMV ou Plan de sauvegarde et de mise en valeur et prévoir les financements nécessaires pour les études nécessaires à cela.
En 1994, le Code du Patrimoine archéologique, historique et des arts traditionnels est venu instituer les Secteurs sauvegardés qui doivent être accompagnés par les PSMV ou Plans de sauvegarde et de mise en valeur (même si ses textes d’application ont besoin d’être complétés tels que la composition de la Commission locale et nationale, le droit de visite obligatoire pour les chargés d’études, etc.). Le texte juridique stipule que le PSMV doit être capable d’assurer une protection efficace du tissu historique en se basant sur des données actualisées, un diagnostic récent et une analyse approfondie du site. Le tout dans un délai n’excédant pas cinq ou six ans. Fusionnant urbanisme et conservation, il constitue la synthèse des études effectuées sur le tissu urbain, parcelle par parcelle et offre aux gestionnaires du patrimoine un niveau de détail extrêmement poussé sur la base duquel ils peuvent remplir convenablement leur tâche.
L’élaboration du PSMV de la Médina de Tunis devrait comprendre une première mission ayant trait à la phase préparatoire de l’établissement du PSMV sur la base d’un plan cadastral vectorisé à l’échelle 1/500, des plans parcellaires numérisés aux échelles 1/1000 et 1/2000 ainsi que d’une légende adaptée à la Médina pour le PSMV et des fiches d’enquêtes nécessaires au diagnostic qui doit l’accompagner (à noter que ce travail a été fait à l’ASM en 2007 mais qu’il aurait besoin d’être actualisé). Malheureusement, faute de budget, aucun PSMV n’a encore vu le jour en Tunisie alors que la législation tunisienne en ce domaine était en avance sur celles de nombreux pays.
Le PSMV peut fédérer les énergies des différents acteurs – habitants, associations, Municipalité, secteur privé et ministères de la Culture, de l’Environnement, des Finances, de l’Habitat et du Tourisme. Il est clair, cependant, que la Commune, seule, ne peut assumer le coût de la préparation d’un tel plan.
La règle du jeu qui sera imposée par le Plan de sauvegarde et de mise en valeur, référence suprême pour tous les gestionnaires des quartiers historiques à Tunis et le respect scrupuleux par tous les protagonistes dès sa promulgation collaboreront très efficacement à la préservation du paysage urbain.
Heureusement que la Médina de Tunis, en attendant son PSMV, est gérée par le Règlement d’Urbanisme spécifique à la Médina, révisé et intégré officiellement dans le plan d’aménagement de la commune de Tunis en 2017. Ce règlement est appuyé par des prescriptions générales maintenant les éléments essentiels de l’ordre urbanistique et architectural tout en permettant son évolution nécessaire. C’est à dire une Médina, espace résidentiel, immobilier, monumental et économique dans lequel il faut sauvegarder la structure d’habitat traditionnel, l’horizontalité du bâti, l’organisation des espaces résidentiels, la hiérarchie des voies et le caractère piétonnier de la trame. Ces prescriptions comprennent des servitudes détaillées concernant le traitement des façades, les matériaux, les couleurs, etc. et distinguent diverses catégories de protection : immeubles à conserver impérativement, bâti ancien structurant le tissu urbain traditionnel, spécificités architecturales ou détails architecturaux particuliers, espaces verts, remparts, façades commerciales, etc.
Une solution que, malheureusement, les autres médinas n’ont pas jusqu’à ce jour !
Par Zoubeir Mouhli, Architecte, consultant en patrimoine