La villa C, œuvre de l’agence d’architecture Cheikhrouhou & Partners, est située à Gammarth. L’idée directrice du projet a émané d’une jonction entre les contraintes du site de localisation et les aspirations d’une famille en quête d’un havre de paix convivial entouré de verdure et d’eau.
Implantée à l’angle d’une rue, le bâtiment sur deux niveaux aborde deux façades principales sur deux axes de passage et deux façades donnants sur des terrains résidentiels mitoyens. La disposition est ainsi tributaire du respect des impératifs de mitoyennetés en veillant à préserver l’intimité des résidants. Ces contraintes deviennent une occasion pour remanier les codes culturels de la maison traditionnelle et ménager des effets de transparence et de clarté résolument moderne. Jonglant entre introversion et ouverture l’enveloppe architecturale, articule des effets antagonistes selon les orientations. Elle occulte et dévoile à la fois en privilégiant la discrétion sur la rue tout en favorisant la perspective sur le ciel et le jardin.
Ce jeu de contraste est créé à partir d’épaisses parois de maçonnerie percées d’ouvertures étroites en longueur au niveau des façades sur rues et munies de nombreux dispositifs de filtrage. Au contraire, l’enveloppe architecturale ouvre totalement ses façades sur le jardin et la piscine en profitant de la protection de la haute végétation qui la niche à l’abri des regards. Les futurs habitants convoitaient un désir de communication et de fluidité entre le dedans et le dehors ainsi qu’entre les espaces de vie intérieurs. Le projet s’articule alors autour de cette dualité que nous retrouvant dans chaque détail du projet. La composition architecturale résulte elle-même de l’emboitement de deux volumes parallélépipédiques qui se chevauchent faisant émerger une succession rythmée de retraits et de reliefs, de chicanes et de décrochements, de vides et de pleins, à l’intérieur comme à l’extérieur. Au cœur de la maison un volume central de maçonnerie accueillant une cheminée aux lignes contemporaines vient structurer l’articulation des espaces, des accès et des hauteurs.
Il vient ainsi à la fois relier et séparer la salle à manger du salon et du séjour en double hauteur, ouverts sur la piscine. Dans le prolongement de la salle à manger la cuisine et les espaces de services, forment une entité derrière le foyer qui s’étend au-delà du rez-de-chaussée pour se prolonger vers le jardin et constituer « un pool house semi-couvert » donnant sur la piscine. Œuvrant à répondre au mieux au mode de vie des habitants, l’architecte a déclaré chercher à « offrir à la famille un foyer central au sens propre et figuré du terme ». Symbole de chaleur et de convivialité la cheminée incarne dans le projet un point de ralliement, de rencontre et de partage. Autour du foyer de feu se construit un lieu de confort et de protection où chaque composante architecturale favorise le ré-enchantement du quotidien de la famille, à l’image de ces escaliers en gradin propices à l’émergence de différents scénarios de vie. La structure de l’escalier est pensée sous le prisme de la dualité et le contraste cher à l’architecte. Pour assurer sa double fonctionnalité l’espace gradin est composé d’une stratification de volumes pleins et massifs associant marbre Kadhel local, grés et bois, une trilogie de matériaux caractéristique de la maison, à laquelle s’oppose l’effet de légèreté et de lévitation apporté par les marches suspendues du deuxième volet de l’escalier menant à l’étage. Ce dernier comporte trois suites articulées autour d’un salon donnant sur le vide sur l’espace de vie avec cheminée. Par l’aménagement paysager du jardin et de la piscine qui fait face à des espaces en double hauteur autour d’un foyer central, l’architecture de la demeure semble préfigurer une harmonie entre les couples antagonistes et complémentaires des quatre éléments. Eau, Feu, Air et Terre se conjuguent et se côtoient pour transformer la maison en un véritable espace d’apaisement et de bien-être au milieu de la ville.
Texte : Salma Alouane – photos : Achref Khayet
Article paru dans Archibat n°57 – Mars 2023