Une journée d’étude sous le thème « Patrimoine 19ème-20ème siècle en Tunisie : qu’allons-nous en faire ? » s’est tenue le 25 avril dernier à l’Institut Supérieur des Technologies de l’Environnement, de l’Urbanisme et du Bâtiment – ISTEUB. Cette manifestation a été organisée par l’ISTEUB dans le cadre du mois du patrimoine (18 avril/ 18 mai) en partenariat avec l’Association des Amis du Patrimoine, l’Institut National du Patrimoine et la Revue Archibat.
Le sort des ensembles bâtis datant de l’époque du protectorat français est une question d’une importance capitale que se posent les aménageurs de l’espace. Les tracés, les places, les grands axes, l’ordonnance urbaine et architecturale hérités de l’époque coloniale font partie du paysage actuel de nombreuses villes tunisiennes. Ces héritages architecturaux et urbains témoignent d’une étape historique du développement de notre cadre bâti. Ils existent encore et constituent parfois des ensembles architecturaux importants qui font partie intégrante de parcs urbains qui se sont depuis développés, étendus, et très souvent dégradés.
À travers le contenu du programme de cette journée d’étude, a été apportée une meilleure connaissance de certains aspects de ce patrimoine. Des pistes de réflexion sur les méthodes de sauvegarde et de conservation ont été proposées en vue d’une meilleure valorisation.
La première séance, modérée par Hend Ben Othmane (ISTEUB), a été l’occasion d’évoquer à juste titre la richesse et la diversité du patrimoine 19ème/20ème siècle en Tunisie. Amine Ben Said (Association Édifices et Mémoires) a rappelé que ce patrimoine était également constitué de tracés urbanistiques, de bâtiments agricoles, industriels et militaires qui sont pour la plupart méconnus. Béchir Yazidi (Association des Amis du Patrimoine), historien, a expliqué la logique de territorialisation de la politique coloniale en Tunisie en la resituant dans le contexte politique et idéologique des années 20. Saloua Ferjani (ENAU) a clôturé la première séance par un exposé sur les places publiques caractéristiques de l’urbanisme colonial, leurs configurations, leurs usages et leurs significations. Les intervenants ont néanmoins mis en garde contre la fragilité de ces réalisations et les risques de disparition qui les menacent.
La deuxième séance a été animée par des professionnels œuvrant dans le domaine du patrimoine et axée sur les stratégies de protection et de mise en valeur du patrimoine 19ème/20ème. Ont été présentées, par Zoubeir Mouhli, les actions menées par l’Association de Sauvegarde de la Médina. Celles menées par l’Institut National du Patrimoine ont été exposées par Adnène Ben Nejma et Aziza Miled. Le constat général qui a découlé de cette deuxième séance a été l’existence de plusieurs outils, de stratégies et d’expériences de protection. Toutefois l’insuffisance de moyens mis à disposition par l’état reste un frein pour leur généralisation et à leur mise en application.
à l’issue de cette rencontre, et en guise de synthèse de l’ensemble des interventions, Hatem Kahloun (ISTEUB) a émis les recommandations suivantes :
– Faire converger et articuler les enjeux territoriaux et patrimoniaux en les prolongeant sur les questions en rapport avec l’identité et l’imaginaire collectif.
– Reconnaître le patrimoine 19ème/20ème siècle à travers la valorisation des potentialités locales et la consolidation des stratégies de marketing territorial.
– Plaider en faveur de l’inscription du patrimoine 19ème/20ème siècle dans les enjeux de politiques publiques et faire en sorte qu’elles soient prises en considération dans les programmes de développement régionaux et des projets urbains.
– Diversifier les stratégies de planification et d’intervention dans les tissus coloniaux portées par les acteurs publics et la société civile.
– Mettre en synergie les acteurs institutionnels, techniques et juridiques ainsi que leur vision en matière de bâti colonial.
– Multiplier les actions de communication et de sensibilisation en faveur des acteurs politiques et de la société civile.
– Enfin, adapter les outils de planification urbaine et les règlements qui en découlent aux spécificités et exigences de sauvegarde et mise en valeur des biens patrimoniaux du 19ème et 20ème siècles.
Comité d’organisation : Inés Dimassi Khiri et Hazar Souissi, architectes – Enseignantes ISTEUB
Article paru dans Archibat n°44 – Juillet 2018