Vers la fin de 19ème siècle, le monde a connu des changements radicaux à savoir la révolution industrielle et une explosion démographique. Le monde s’est alors dégradé dangereusement : pollution, surexploitation des ressources et une forte dépendance aux énergies fossiles font qu’aujourd’hui notre planète se réchauffe.
Les effets de ce changement climatique sont indéniables : une température inexorablement en hausse, des glaciers qui fondent, des espèces qui périssent, des catastrophes naturelles destructrices, des ressources qui commencent à manquer et par conséquent une économie et une société fragile. La région méditerranéenne, faute d’un climat instable, est une zone très vulnérable avec une surchauffe plus haute que la moyenne mondiale. Les pays de la rive Sud sont particulièrement concernés dont la Tunisie.
Les textes de loi mondiaux définissent alors ce changement climatique comme une urgence mondiale exigeant des stratégies d’atténuations et d’adaptation dans tous les secteurs, l’adaptation étant toute stratégie visant à réduire la vulnérabilité des systèmes naturels et humains, contre les impacts réels ou prévus des changements climatiques. Le cadre bâti est au coeur de la problématique comme étant le premier secteur émetteur de gaz à effet de serre avec près de 40 % de la consommation finale d’énergie dans le monde comme en Tunisie.
Nous nous sommes intéressés en particulier à l’habitat collectif de la région du Grand Tunis. En effet, la capitale, alors qu’elle ne représente que 2% de la surface du pays, loge près du quart de la population et affiche des taux d’urbanisation très élevés. L’objectif principal de ce travail de recherche était le diagnostic du potentiel environnemental de l’habitat collectif du Grand Tunis, et ce en vue de déceler les éventuels facteurs lacunaires ou absents et d’identifier les acteurs concernés.
Nous avons également choisi de travailler sur l’emboitement des échelles quartier-bâtiment.
Une multitude d’outils d’évaluation environnementale et des outils d’aide à la conception durable ont été élaborés dans le monde. Nous avons analysé cinq de ses outils à savoir : deux démarches universelles (HQE, LEED), deux démarches spécifiques à une région et un climat particulier (BDM, ECOPASS) et la tentative tunisienne en cours d’élaboration (ECOBAT). Nous nous sommes basés sur ces outils pour élaborer une méthodologie, fruit d’un croisement de savoirs. Cette méthode, ainsi développée, a été appliquée à un échantillon représentatif qui répond à des critères d’inclusion (Construits au Grand Tunis après 2005, date de mise en vigueur du protocole de Kyoto, faisant partie d’une opération d’ensemble réglementaire, en R+4 et plus pour répondre à la réglementation thermique de 2009 et dont les travaux soient quasiment achevés). Cinq cités ont été retenues qui sont :
- Une cité collective (lotisseur public- promoteur public) de moyen standing qui est la cité ENNOUR-JAAFER
- Trois cités collectives (lotisseur public- promoteur privé) de haut standing à savoir la cité OMRAN-EL GHAZELA et LES PALMERAIESLAOUINA
- Une cité collective en partenariat (Lotisseur public – promoteur privé) de très haut standing qui est cité LES PINS-LACII
Des reproductions 3D des différents quartiers ont été réalisées via le logiciel REVIT Architecture. Au cours de l’analyse, différentes techniques de recherche ont été utilisées : calculs et simulations numériques avec le plugin INSIGHT 360°, enquêtes, observations etc.
Les résultats ainsi trouvés ont mis l’accent sur les facteurs lacunaires ou absents à l’échelle urbaine et architecturale. En effet, la généralisation des résultats trouvés, a montré que les objectifs urbains à l’échelle du quartier sont atteints à seulement 20 % et que les objectifs architecturaux à l’échelle du bâtiment sont atteints à 50%. Le processus de production du bâti est donc peu respectueux de l’environnement et l’échelle urbaine est la plus défaillante.
Le travail de recherche a permis de dégager des leviers d’actions en phase de planification, au niveau de la planification urbaine territoriale, de l’urbanisme du quartier, de l’architecture du bâtiment et lors de la phase de l’exploitation et d’usage.
Les membres du jury ont mis l’accent sur la possibilité d’inclure, pour des travaux ultérieurs, la réhabilitation de l’existant qui est un champ d‘action indispensable dans la perspective d’une transition écologique.
Ils ont également insisté sur l’importance du volet culturel, l’usage et les pratiques sociales lors des études environnementales.
Ce travail de recherche a, certes des limites, mais il nous a démontré que seuls les efforts combinés peuvent nous permettre d’adapter le cadre bâti aux effets actuels et futurs du réchauffement climatique, qu’il semble urgent de porter un nouveau regard sur la discipline architecture et d’urbanisme, à réinventer le processus de production du bâti pour garantir de meilleures conditions de vie dans les villes du futur.

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Article paru dans Archibat n°52 – Août 2021