Deux projets intéressants de requalification de l’espace urbain ont été récemment achevés, en plein cœur de Tunis, ceux de la réhabilitation et du réaménagement du jardin de la place Barcelone et de celui de la place Mongi Bali, séparés tous les deux de quelques dizaines de mètres et connectés à la gare ferroviaire du Sud. On ose espérer qu’à la suite de cette opération et de celle remettant en valeur le jardin de la place Pasteur, des projets similaires pourraient être menés au Jardin du Passage, à celui de la place Bab El Khadhra et celui de la place El Haj Brahmi, ex-place Jeanne D’Arc à Lafayette. Des actions sont également souhaitées pour mieux faire connaître le Jardin de la Méditerranée, situé à Montplaisir et y attirer le public, contribuant ainsi à améliorer l’attractivité de la Capitale.
LE JARDIN DE LA PLACE BARCELONE
Sceau de fraternité entre les deux capitales, la tunisienne et la catalane, la Place Barcelone représente l’un des plus grands espaces urbains aménagés en tant que jardin à Tunis. La ville de Tunis et celle de Barcelone ont, en effet, conclu un jumelage en 1959 et la place a été inaugurée en 1972.
Un bas-relief, œuvre de l’artiste espagnole Eulália Fàbregas de Sentmenat, a été offert par la ville de Barcelone à la ville de Tunis lors de ce jumelage et se trouve toujours au même endroit, au fond de la place Barcelone, non loin des guichets de la station de métro. Le bas-relief représente une « Sardane » dansée par un groupe d’Arabes et de Catalans. Les danseurs se donnent les mains en faisant la ronde de la vieille danse de Sardaigne, le cercle de l’amitié. Au milieu de la place, le bassin central à la forme d’un T, symbolise le nom Tunis.
Aujourd’hui, la place Barcelone demeure un lieu de passage intense, notamment pour les étudiants, les travailleurs et les voyageurs. Son emplacement central, proche de la Médina de Tunis, du centre-ville et des transports en commun, en fait un point névralgique de la vie quotidienne. Coincée entre trois gares et encerclée par les voies ferrées, la place Barcelone a vu ces dernières années, ses aménagements péricliter et son importance décroitre malgré les efforts déployés afin d’y éloigner les étalages anarchiques qui représentaient une plaie dans le site.
Un projet de la boucle centrale du métro léger de Tunis et du pôle d’échanges de la place de Barcelone, devait être mis en œuvre en octobre 2023.
Il visait, entre autres, l’amélioration de l’environnement urbain du Grand Tunis.
La Place Barcelone devait être ainsi transformée en pôle d’échanges multimodal avec notamment une station de bus souterraine permettant aux usagers du métro, du bus, du train et du futur RFR de gagner en temps de trajet et en confort. Ce projet n’a pas vu le jour.
Le projet de réhabilitation/réaménagement de ce jardin est le résultat d’un concours d’idées lancé par le Génie Militaire, en novembre 2024, concomitamment avec un concours lancé pour réhabiliter et embellir le jardin de la Place Mongi Bali.
Le jardin de la place Barcelone couvre une superficie d’environ 9000 m2 et est actuellement la propriété de la Société des Chemins de Fer Tunisiens. Le grand bassin central en forme de T a été, grâce au projet, réhabilité et doté de deux locaux techniques avec bâche à eau, de 50 m2 chacun, complétement enterrés symétriquement à la grande fontaine.
Un réaménagement complet a touché le mobilier urbain dont notamment, l’éclairage, les bancs publics ainsi que les éléments constituant le paysage planté. Le jardin est désormais agrémenté, également, de deux grandes fontaines circulaires en marbre massif, disposées dans des bassins carrés égayés de fleurs.
Les arbres existants ont été épargnés au maximum, certains ficus ont été transplantés dans de nouveaux endroits du jardin, dans un souci d’équilibre et d’organisation spatiale. Douze grands sujets de jacarandas de plus de cinq mètres ont été plantés au Nord et au Sud du bassin principal, créant une touche de couleur et une belle transparence sur la totalité du jardin.
Le passage souterrain menant de la Gare du Sud au jardin et vice-versa, a été totalement rénovée. Escalier et sol ont été couverts en granit, en harmonie avec la place. L’éclairage rénové et renforcé y amène un supplément de sécurité. De manière générale, l’éclairage utilisé dans le jardin, est un éclairage led, de style moderne et bien réparti.
LE JARDIN DE LA PLACE MONGI BALI
La place Mongi Bali, située entre la rue Jamel Abdennasser et l’avenue de la Gare, dans la perspective de la rue de Russie, porte le nom d’un héros national qui a joué un rôle important dans la lutte pour l’Indépendance et le développement du mouvement syndical en Tunisie durant le Protectorat français. Il est né le 7 mai 1925 et est décédé le 3 avril 1948, à l’âge de 23 ans. Mongi Bali a fait ses études primaires et secondaires au collège Sadiki où il a obtenu son diplôme en 1946 et son baccalauréat première partie. La deuxième partie, il l’a obtenue par la suite en France.
Affilié à l’organisation des scouts tunisiens en juin 1941, il en devient le leader en 1946. Il a également fondé l’association des scouts tunisiens de Kébili.
Membre du Mouvement de lutte nationale secrète, il a publié beaucoup de tracts titrés « La lutte ». Rebaptisée en son honneur, la place Mongi Bali représente aujourd’hui un hommage à son engagement pour la liberté et les droits des travailleurs.
Avant de porter le nom de Mongi Bali, la place portait auparavant le nom de Pierre Sémard en hommage à une figure emblématique du syndicalisme français qui était, également, secrétaire général de la Fédération des cheminots et militant communiste avant d’être exécuté par les nazis en 1942.
Comme l’atteste l’inscription découverte sur le socle trônant au milieu du jardin, un monument, y était réalisé par l’architecte J-E. Resplandy et l’artiste Belloc, tous deux ayant collaboré à l’édification du Théâtre Municipal et au bas-relief décorant sa façade principale. Ce monument, sous forme de statue y était érigé en l’honneur de Philippe Thomas, géologue et paléontologue français qui était surtout connu pour ses découvertes des gisements de phosphates en Tunisie à la fin du XIXe siècle et qui avait mené des recherches géologiques dans diverses régions de Tunisie, mettant en évidence le potentiel minier du pays, en particulier dans la région de Gafsa.
La Place Mongi Bali incarne une partie de l’histoire de Tunis en étant à la fois ancrée dans le passé de la lutte pour l’Indépendance et un point central de la vie quotidienne moderne. Le buste actuel représente le jeune syndicaliste, en uniforme de scout mais les traits du visage ne sont pas clairs. Il est installé depuis 1962 sur cette place qui reste un lieu de mémoire et un symbole de l’identité tunisienne.
Parti architectural et options d’aménagement :
Le projet a opté pour un aménagement qui, à la fois, respecte la mémoire des lieux et amène une note de fraicheur dans le jardin de cette place traité comme un petit parc urbain verdoyant. Il a renforcé, ainsi, la symétrie axiale dont l’axe passe par la statue portant le buste du militant Mongi Bali et intensifié les espaces verts dans une image et un tracé se rapprochant des aménagements des années 60 et 70 à la suite de la transformation de la place à la fin du Protectorat. Ainsi, huit palmiers sont ajoutés au jardin de la place, quatre de chaque côté de la statue et deux bandes de plantations florales colorées intégrant une partie de la pelouse qui amènent une note de fraicheur grâce à des couleurs vives du plus bel effet.
Le projet a réintégré, également, la contre-allée, côté avenue de la Gare, dans le périmètre d’origine de la place et ce avec le même traitement minéral au sol en granit utilisé pour tout le parterre. Il a renforcé la convivialité de la place et l’a rendue plus sûre et accessible, même pendant la nuit, grâce à un éclairage adéquat, des bancs publics élégants et des poubelles judicieusement placées. Pour ajouter à la beauté du lieu et le rafraichir, une fontaine mise en valeur par un éclairage artistique, est intégrée au socle de la statue.
Le projet a, en outre, préconisé des interventions sur les façades à présenter aux riverains sous forme d’un cahier des charges afin d’améliorer l’environnement immédiat de la place.
FICHE TECHNIQUE : Commandement et surveillance : Direction Générale du Génie Militaire Financement et coordination: Fondation BIAT Maître d’ouvrage : - Place de Barcelone : SNCFT - Place Mongi Bali : Municipalité de la ville de Tunis Concepteurs : - Maître d’œuvre : Issam Ben Ayed - Architecte - BET structures : Fredj Maatouk - BET électricité : Béchir Ben Zaied - BET fluides : Kais Tabka Bureau de contrôle : Veritas Entreprises : Sotrabasud (Place Barcelone), Société Bouzguenda Frères (Place Mongi Bali), INNOVATEC, EPS, ARCOM, Sopat Paysage (Place Barcelone), Paysage Ô Pluriel (Place Mongi Bali)
Par Zoubeïr Mouhli, Architecte spécialiste du Patrimoine, Prix Aga Khan 2010
Article paru dans Archibat n°65 – Octobre 2025, vous pouvez le commander ou vous abonner en ligne : https://archibat.info/shop/

























