Pouvez-vous vous présenter ?
Je m’appelle Mohamed Amine Ben Said, je suis architecte et je fais partie de l’association « Edifices et mémoires »
Pouvez-vous nous parler de votre cursus académique et professionnel ?
J’ai eu mon diplôme en 2008 de l’Ecole Nationale d’Architecture et d’Urbanisme de Tunis, je suis depuis 2008 architecte et j’ai rejoint les rangs de l’association de Sauvegarde de la Médina de Bizerte qui m’a permis de travailler sur des sites à caractères patrimoniaux et aussi de côtoyer des artisans, des conservateurs de l’Institut National du Patrimoine et d’apprivoiser de plus en plus ce domaine-là.
Comment pouvez-vous définir votre profil d’architecte ?
Je pense que je suis un architecte citoyen. Pour moi un architecte ne doit pas être isolé dans un îlot qui s’appelle agence, un architecte agit sur des réalités urbanistiques, paysagères, sociales et environnementales de la ville.
A quand remonte cet intérêt au patrimoine ?
Il remonte aux années 2003-2004, lorsque nous étions étudiants et que nous avons mené notre première bataille pour sauver un édifice auquel nous étions sensibles, il s’agissait de l’hôtel du Gouverneur à Bizerte, un magnifique témoin de l’architecture arabisante de la ville, une bataille que nous avons perdu mais c’était notre baptême de feu.
Pouvez-vous nous parler de l’action « Winou el patrimoine » ?
« Winou el Patrimoine » est la face réseaux sociaux d’édifices et mémoires, là nous avons voulu avoir une sorte d’Agora, une sorte de place publique où le débat sur le patrimoine aurait lieu et c’était surtout pour alerter, pour attirer l’attention, pour avoir un support où certains cris seraient canalisés et où les gens pourraient agir et interagir, commenter et où l’objet patrimonial pourrait être démocratisé et où aussi certains débats avec des parties prenantes institutionnelles ou académiques pourraient avoir lieu avec les gens, le simple utilisateur de Facebook.
Comment a été créée l’association « édifices et mémoires » ?
« Edifices et mémoires » a été créée en 2016 par un nombre d’amis architectes après l’obtention de nos diplômes, chacun a suivi son chemin et après, on s’est dit pourquoi on n’aurait pas une action en commun qui contribuerait à l’effort national pour la sauvegarde du patrimoine, beaucoup de choses sont faites par les parties, nous avons voulu avoir une approche différente mais aussi complémentaire de ce qui se passe dans le pays.
Quelles sont les principales actions entreprises par l’association « Edifices et mémoires » ?
Parmi les principales actions, deux que nous avons mené jusqu’à ici ; la première est « patrimoini 1 » qui a concerné le Casino de Hammem Lif, où nous avons essayé d’attirer l’attention et de convaincre de l’importance de la sauvegarde de ce monument, sensibiliser la population, la commune des lieux. Nous avions comme partenaire, l’Institut Goethe et là nous sommes assez satisfaits parce que des actions ont suivi cet évènement-là, il y a eu des débats, de sensibilité de la part des personnes qui étaient présentes, les voisins tout simplement, et nous sommes heureux, parce que la commune des lieux s’investit dans le projet de maintien et de sauvegarde de ce monument-là. Le deuxième projet a été le déploiement d’une quinzaine d’observateurs sur l’ensemble du territoire tunisien, c’était une action soutenue par l’UNESCO.
L’objectif était que ces observateurs collectent des informations sur des édifices qui avaient une valeur patrimoniale, qui vient de la mémoire collective, du vécu commun de chaque ville, de chaque site mais qui n’avait pas de reconnaissance officielle en tant que monument. Là on a collecté ces informations qui ont été validées selon une grille bien déterminée. Ces informations se sont retrouvées sur notre site www.edifices-et-memoires.com qui est une carte numérique interactive en libre accès où tout contributeur pourrait « contribuer » et alimenter d’autres informations sur d’autres sites qu’il juge intéressants et bien sûr qui seront validés par la grille et par d’autres intervenants académiques.
Quels sont les avantages/limites du travail associatif ?
Le principal avantage du travail associatif est le nombre de degré de liberté de la parole, parce qu’en tant qu’association nous restons assez libres, nous n’avons pas de restrictions particulières que peuvent avoir les institutions par exemple, la limite, c’est la limite de l’action parce qu’on aimerait parfois intervenir beaucoup plus. On sent qu’on a l’énergie pour intervenir et faire plus mais là est la frustration de ce travail.
Quels sont vos projets en cours, pour l’avenir ?
Notre principale action aujourd’hui et pour l’avenir proche c’est de continuer la bataille de la sauvegarde de l’hôtel du lac après l’action que nous avons mené au côté de l’Institut Goethe et de « Central Tunis » qui plaidait la cause du maintien de la sauvegarde et de la mise en valeur de cet édifice.
Là nous continuons à essayer de convaincre les autorités publiques et la commune de Tunis et le Ministère de la Culture de l’importance de protéger ce témoin de toute une partie de l’histoire récente de la Tunisie et de convaincre le propriétaire-promoteur, de l’intérêt financier du patrimoine et s’il y avait une approche intelligente à la chose. Un atelier a été réalisé avec les architectes, les étudiants-architectes et différentes variantes sont exposées pour plaider la cause de cet édifice et prouver que le maintien est rentable.
Un mot pour nos étudiants et tout futur architecte ?
Ce serait impliquez-vous, vous êtes des acteurs principaux de la ville, vos décisions et vos actions, vos prises de positions auront un impact sur les conditions de vie des usagers de la ville donc soyez au RDV, soyez humbles, coopérez avec les autres corps de métiers. La ville est la vôtre…allez-y.
Article paru dans Archibat n°51 – Avril 2021