Le transport tout mode compris est une industrie de services indispensable au fonctionnement de l’économie et au développement des nations. Il a pour objectif de satisfaire les besoins de déplacement des personnes et des marchandises d’un endroit à un autre pour un motif ou un autre. Ce besoin de déplacement est créé par la séparation spatiale entre les zones de résidence et celles de travail ou de commercialisation ou de loisir ainsi qu’entre les marchés d’approvisionnement, les centres de production et les marchés de distribution. Cette contrainte spatiale est de plus en plus grande avec l’étalement urbain des villes.
Par ailleurs, toute activité socioéconomique est créatrice d’un flux de déplacements des personnes et des marchandises faisant appel à des services de transport adéquats pour satisfaire ce besoin.Le transport joue un rôle important dans notre vie quotidienne. Il constitue le squelette sur lequel va se greffer l’armature de l’économie et entretient de multiples liens avec l’activité économique. Plusieurs études académiques ont mis en évidence une forte relation de corrélation entre la dotation d’une région ou d’une nation d’un système de transport performant et son développement économique et social. Elles ont montré que les régions qui sont dotées d’un système de transport performant se développent plus rapidement que les autres régions dépourvues de telle performance. Simultanément, les régions mal équipées d’un réseau performant se développent moins et parfois stagnent en présentant un milieu défavorable.
Le développement économique peut dès lors se mesurer par la capacité des infrastructures disponibles, la rapidité et la densité de la circulation des biens et des marchandises, c’est-à-dire par le volume de transport. L’attractivité territoriale et économique d’une région, sa qualité de vie et son bien-être social sont relatifs à la qualité du système de transport qui irrigue son territoire et l’ensemble de ses secteurs économiques.
Donc, le transport peut être conçu comme une condition nécessaire mais non suffisante au développement économique et social aussi bien des régions que des nations.
Depuis des années la mobilité des personnes et des marchandises dans la ville de Sfax a connu une croissance exponentielle. Cette croissance reflète le rôle économique de plus en plus grand de la région ainsi les grands progrès économiques et sociaux réalisés par la ville. Mais, aujourd’hui cette croissance de la mobilité entrave le développement durable de la ville et contribue à la détérioration de la qualité de vie et la réduction de son attractivité et de sa compétitivité. Il apparaît en particulier de plus en plus clairement que l’évolution actuelle des transports et leur croissance posent de sérieux obstacles à la ville désireuse de mettre en place une politique de développement durable.
Cette stratégie de développement durable adoptée par la ville vise à améliorer son attractivité, sa compétitivité, sa croissance, son accessibilité, sa qualité de vie et la qualité de son environnement.
Cette ville dispose de grandes potentialités économiques et de plusieurs avantages comparatifs qui peuvent la positionner comme une métropole internationale. Cependant elle souffre de plusieurs problèmes qui entravent la réalisation de cet objectif de développement durable. Parmi les problèmes les plus saillants, on peut citer la défaillance du système de transport de la région.
Le secteur du transport urbain se trouve au cœur de la problématique de développement durable de la ville. Un système de transport durable doit concilier trois objectifs fondamentaux :
– La participation à la croissance et au développement économique de la région ;
– L’accessibilité et l’attractivité du territoire aux différentes échelles ;
– La prise en compte des enjeux environnementaux globaux et locaux.
L’intégration du développement durable dans le champ des transports s’est renforcée avec l’intensification des externalités négatives émises par ce secteur, son incapacité de répondre quantitativement et qualitativement aux exigences de l’économie et des usagers faute de moyens et/ou de bonne gestion de trafic et de l’accroissement plus proportionnelle de la demande de transport par rapport à la croissance économique.
En présence de ces situations de défaillances du système de transport, la stratégie de développement durable de la ville sera tronquée.
En fait, la consommation de services de transport n’a jamais été un but en soi qui procure une satisfaction directe à ses usagers. En revanche, elle génère une désutilité aussi bien pour l’usager qui supporte un coût, une perte de temps et un risque d’accident et de gêne, que pour la collectivité qui supporte les nuisances environnementales causées par la consommation de transport, les effets de coupures induites par l’implantation des infrastructures et les coûts de fonds publics imposés par le financement public des projets de transport.
Le secteur de transport est un grand consommateur du temps, de l’espace et de l’énergie. Ces ressources économiques sont à la fois rares, utiles et non renouvelables. L’approche de développement durable exige une bonne allocation de ces ressources entre les diverses alternatives envisageables de sorte qu’on l’affecte à l’alternative la plus optimale qui rapporte plus de bien-être social.
Par ailleurs, le transport est un émetteur des effets externes négatifs réduisant ce bien-être social lorsqu’ils ne seront pas neutralisés. Ces externalités s’illustrent par ses impacts négatifs sur l’environnement (pollution atmosphérique, bruit, effets de coupure et de sol, etc.), sur la vie humaine (accidents de circulation), sur l’accessibilité socioéconomique (effet de congestion). Ces effets auront des conséquences néfastes aussi bien sur le développement économique de la région, l’attractivité de son territoire, l’accessibilité de la population, la santé des citoyens, la qualité de vie de la ville et le bien-être social.
Toutes ces conséquences contredisent les principes d’une stratégie de développement durable et limitent son applicabilité.
Pour répondre aux problèmes que pose la défaillance du système de transport de la ville de Sfax, d’une part, et aux objectifs environnementaux, économiques et sociaux, d’autre part, il faut intégrer les critères de durabilité dans la planification, la conception et la mise en place des services de transport de fret et de passagers. Toute stratégie ou politique de transport régional doit être ainsi élaborer en conformité avec les objectifs de développement durable qui visent à favoriser l’émergence de système de transport économiquement et socialement plus efficaces, plus sûrs, plus économes en énergie, et mieux respectueux de l’homme et de son environnement.
Cette stratégie doit trouver des solutions aux problèmes persistants posés par le déficit d’infrastructures de transport, la mauvaise organisation de la circulation, la domination du transport individuel par rapport au transport collectif, la faible connectivité de la région aux réseaux mondiaux des échanges commerciaux, la faible performance logistique, la pollution atmosphérique, etc.
Cette stratégie de construction d’un système de transport durable, doit aussi s’intégrer dans une vision plus globale de développement durable de la région en tenant compte des divers aspects géographique, territorial, social, économique qui caractérisent la région.
En fait, le transport n’est pas une activité isolée de son environnement. Il en subit les effets des mutations, mais aussi il peut influencer les orientations de ces mutations. Il existe ainsi une forte corrélation entre le système de l’offre de transport qui représente l’industrie créatrice des services de transport et le système d’activités socio-économiques de la région qui représente les pôles émetteurs et récepteurs des flux de trafic. Pour résoudre ces problèmes de transport, on peut agir soit sur le système de l’offre (infrastructure, choix modal, gestion de trafic) soit sur le système de la demande (localisation des activités, processus de production, réseau et logistique de distribution, etc.).
Le choix rationnel et optimal sera tributaire aux objectifs assignés et aux moyens réservés. Une mobilité urbaine durable des personnes et des marchandises implique le choix des solutions les moins couteuses, les moins consommatrices de ressources non renouvelables, les moins polluantes et les plus favorables et acceptées par la société.
La problématique du transport et du développement durable de la ville est d’actualité pour Sfax. Notre objectif est non de proposer des solutions mais de mettre l’accent sur l’importance de l’activité de transport dans le processus de développement durable de la ville et la non durabilité du système actuel de transport dans la ville.
Dans une seconde partie, nous essayerons d’évaluer la durabilité du système de transport de la ville de Sfax après avoir confronté les principes et les indicateurs de transport durable à ceux constatés dans le système de transport actuel de la ville. La non durabilité va susciter des préoccupations économiques, environnementales et sociales. Ces préoccupations s’aggravent, parce que l’augmentation du transport peut avoir des effets néfastes aussi bien au niveau de l’efficacité et la croissance économique, qu’au niveau de l’accessibilité qu’au niveau de l’environnement. Ces effets néfastes seront analysés et convertis en termes de coûts pour certaines externalités. Enfin, nous essayerons de présenter les orientations stratégiques à adopter pour parvenir à élaborer un système de transport durable pour la ville.
Par Foued ALOULOU, Universitaire à l’Institut Supérieur du Transport et de la Logistique de Sousse
Article paru dans Archibat tiré à part Sfax à l’horizon 2050 – Juin 2016