La soutenance de doctorat de Alia BEN AYED, a eu lieu à l’ENAU en mars dernier. Ce doctorat vient étoffer le nombre de docteurs-architectes dilplomés de l’ENAU qui a atteint le nombre de 18. Nous vous présentons le résumé de cette thèse, obtenue avec mention très honorable.
Dans la sphère architecturale d’Afrique du Nord, la production moderniste de Jacques Marmey est souvent citée comme référence. En prolongement des recherches dont elle a fait l’objet, et qui privilégient l’aspect formel, nous avons entrepris d’élargir la visée à la question du vécu sensible. Il s’agit ici d’évaluer la manière dont l’architecte transpose, conçoit et met en forme l’ambiance dans le projet. Le travail prend appui sur le Lycée de Carthage qui constitue, sans nul doute, le fleuron de son œuvre construite.
Se fondant sur les avancées théoriques et méthodologiques qui marquent le développement international de la thématique des ambiances, le travail s’inscrit dans une démarche de type interactionnel. Cette démarche nous permet de croiser analyse architecturale, évaluation des paramètres physiques en situation, relevés des actions, recueils et analyse des discours en contexte.
La recherche se déploie en deux moments :
1- la reconstitution de l’univers de conception de l’architecte,
2- la restitution de l’ambiance vécue dans le lycée.
L’objectif vise, d’une part, une meilleure connaissance des mécanismes de référenciations mis en œuvre par l’architecte et, d’autre part, la mise au jour de « dispositifs ambiantaux » – agrégeant forme construite et effets produits – transposables dans le projet.
La première action de recherche interroge le contexte historique de la reconstruction d’après-guerre et les courants architecturaux qui sous-tendent la production de Jacques Marmey ; elle explore la formation de l‘architecte, son parcours, ses débuts de carrière en Tunisie ; elle s’intéresse aux modes de conception et de production qu’il met en œuvre . À l’issue d’un travail d’exploitation des fonds d‘archives et de collectes d’informations directes auprès des acteurs encore vivants nous avons pu mettre au jour les intentions d’ambiances de l’architecte et sa manière de les réaliser. Le travail montre que la dimension sensible occupe une place de choix.
– La deuxième action concerne l’évaluation de la part occupée par chaque dimension ambiantale (lumineuse, thermique et sonore) dans l’ambiance globale ressentie.
– La méthode consiste à mettre en parallèle le comportement « ambiantal » du bâtiment avec le ressenti des utilisateurs. Le travail a été conduit au moyen de mesures et de simulation des paramètres physiques et d’enquêtes auprès des utilisateurs.
Les actions entreprises dans cette thèse révèlent la mise en œuvre de dispositifs ouverts (rampes, préaux, portiques,…) ayant des incidences en termes d’éclairement, d’acoustique et de thermo-aéraulique. Ces dispositifs sont délimités par des franges construites contrariées, épaisses et poreuses tout à la fois. Cette épaisseur poreuse, apparaît comme étant l’élément architectural déterminant, contribuant fortement à réguler l’accessibilité réelle et perceptuelle à l’environnement, à favoriser le partage de l’espace et, par voie de conséquence, à générer l’ambiance ressentie.
Nous montrons ainsi que l’expérience sensible est moins suscitée par la géométrie des formes construites que par la porosité des franges qui les configurent. Cet élément ne constituerait-il pas un « modèle» -hybride- permettant une meilleure compréhension des œuvres de référence intégrant la dimension sensible et favorisant ainsi le renouvellement d’une architecture située ?
Article paru dans Archibat n°31 – Mai 2014