À Masdar City, près d’Abou Dhabi, un projet architectural inédit voit le jour : la première mosquée au monde conçue pour fonctionner en énergie nette zéro. Portée par Masdar City Services LLC et conçue par le cabinet mondial de conception et de conseil pour le secteur de la construction Arup, ce lieu de culte, d’une superficie de 1 595 m² et capable d’accueillir plus de 1 300 fidèles, incarne une nouvelle manière de penser l’architecture religieuse : respectueuse des traditions tout en répondant aux défis climatiques.
Un symbole fort d’alliance entre tradition culturelle, spiritualité et impératif climatique
La mosquée de Masdar est conçue pour produire autant d’énergie qu’elle en consomme. Elle intègre des panneaux solaires, des systèmes intelligents de gestion de l’énergie et des solutions passives de ventilation et de refroidissement. Au-delà de l’innovation technique, ce projet symbolise une volonté : faire de la foi et du climat des alliés.
Tradition et innovation
L’édifice s’inspire de l’architecture islamique traditionnelle. Ses murs épais en terre crue offrent une isolation naturelle, limitant le recours à la climatisation. L’orientation vers la qibla, contrainte incontournable, a été conciliée avec les impératifs énergétiques grâce à un jeu subtil de fenêtres, pare-soleils et façades renforcées. Même les matériaux structurels sont repensés : la mosquée intègre de l’acier bas carbone produit à l’hydrogène.
Des objectifs ambitieux
Le bâtiment vise la certification LEED Zero Carbon. Il devrait consommer 35 % d’énergie en moins et 55 % d’eau en moins qu’une mosquée conventionnelle. Les capteurs installés permettront d’ajuster en temps réel ventilation, éclairage et humidité, garantissant un confort optimal aux fidèles tout en minimisant l’empreinte écologique.
Parti architectural et principes durables (Source : Arup)
Forme, orientation et géométrie
Arup a misé sur une forme circulaire qui aide à favoriser la circulation des vents doux à l’intérieur du bâtiment. Ce choix géométrique permet de maximiser le rafraîchissement naturel, réduisant la dépendance aux systèmes actifs de climatisation. L’orientation et la disposition architecturale sont pensées pour capter les vents dominants, tout en préservant le confort des fidèles.
Matériaux naturels et masse thermique
Les murs seront réalisés en terre battue locale (rammed earth) — un matériau naturel, abondant dans la région, qui offre une forte capacité de masse thermique. Cette caractéristique permet de stocker la fraîcheur pendant les pics de chaleur et de la restituer lorsque la température baisse, ce qui réduit significativement les besoins en énergie pour le refroidissement.
Refroidissement passif et gestion de l’eau
Le design intègre des stratégies passives :
- ventilation naturelle,
- façades renforcées et pare-soleils pour ombrager les espaces exposés,
- systèmes intelligents pour ajuster la ventilation, l’éclairage et l’humidité en fonction de l’occupation.
L’eau est traitée et recyclée : toutes les eaux recyclées seront utilisées pour irriguer les jardins extérieurs, contribuant à une réduction de 55 % de la consommation d’eau comparée à un bâtiment conventionnel.
Objectifs de performance énergétique & certification
- Le bâtiment est conçu pour utiliser 35 % moins d’énergie que les normes de référence internationales.
- En combinant cette réduction avec l’énergie générée par ses panneaux solaires, la mosquée produira au moins 100 % de l’énergie dont elle a besoin sur l’année.
- Elle vise la certification LEED Platinum, l’un des niveaux les plus élevés des certifications internationales de bâtiments verts.
Enjeux et défis techniques
- Concilier les contraintes de la qibla (direction de la prière) avec l’optimisation solaire et les ombres portées.
- Assurer une performance élevée en climat désertique, avec de fortes amplitudes thermiques et un soleil intense.
- Utiliser des matériaux traditionnels tout en respectant les normes modernes de durabilité, de résistance et de confort.
Inspiré par la mosquée Al Bidyah
L’équipe de Arup s’est inspirée de la mosquée Al Bidyah, la plus ancienne mosquée encore existante des Émirats arabes unis, construite au XVe siècle. De la terre provenant d’une carrière locale a été utilisée pour ériger le mur de qibla de 60 mètres de large, conçu pour résister à une chaleur intense tout en s’intégrant au paysage désertique.
« Toute cette façade ouest, qui reçoit le plus de soleil, est doublement renforcée », a déclaré Amna Al Zaabi de Masdar City. « Une structure de cette ampleur utilisant de la terre compactée n’a jamais été tentée aux Émirats. »

Un modèle pour la région ?
Au-delà de l’innovation architecturale, ce projet interroge sur sa réplicabilité dans d’autres contextes, notamment au Maghreb et en Tunisie. L’usage de la terre crue, les stratégies passives et l’intégration de solutions solaires sont des pistes inspirantes pour les architectes de notre région, où climat et culture imposent des contraintes similaires.
Foi et climat, une même direction
La mosquée net-zéro de Masdar montre que l’architecture sacrée peut être un laboratoire d’innovation environnementale. Elle envoie un message fort : préserver la planète peut être un acte spirituel. Une perspective qui ouvre la voie à de nouvelles approches, où l’architecture religieuse devient moteur de transition écologique.
Qui est Arup ? Arup est un bureau d’études, d’ingénierie et de conseil britannique fondé en 1946 par l’ingénieur Ove Arup à Londres. Aujourd’hui : - C’est une entreprise internationale indépendante détenue par ses employés. - Elle regroupe architectes, ingénieurs, urbanistes, designers et consultants. - Elle est connue pour avoir participé à des projets emblématiques comme l’Opéra de Sydney, le Centre Pompidou à Paris, ou encore le Bird’s Nest (stade olympique de Pékin). Arup est une société britannique (siège à Londres), avec une implantation mondiale dans plus de 35 pays.