Le lotissement abordable est le fondement spatial du logement abordable. Il était destiné à l’origine à concurrencer les lotissements spontanés et à en détourner les ménages les plus démunis (revenu compris entre 1 fois et 4 fois le SMIG).
Les premières dépenses que doit effectuer le ménage éligible sont celles de l’acquisition du terrain, sachant que pour la construction, des mécanismes jouent pour en alléger le poids sur les finances du ménage : construction évolutive, entraide familiale, micro crédits divers…
Pour l’achat du terrain, plusieurs obstacles s’opposent à une généralisation des lotissements abordables, parmi lesquels les coûts d’acquisition du foncier et ceux de la viabilisation sont les principaux.
Les obstacles liés aux acquisitions foncières
Le foncier est considéré comme une marchandise dont les coûts se réfèrent à l’offre et à la demande. L’acquisition de terrains périurbains et leur gel pour en faire augmenter les prix sans aucune mise en valeur sont devenus une pratique économique spéculative permise par la loi.
Les coûts du secteur public ont tendance à s’aligner sur le privé, suite à évaluation judiciaire appuyée par des expertises indépendantes.
Inexistence de la procédure de DUP et d’expropriation au profit d’opérations abordables.
Rareté de l’immatriculation foncière.
Rareté des crédits sans garanties réelles.
Les règlements d’urbanisme fixent la taille minimale des parcelles en individuel et fixent la largeur minimale des voies, compromettant l’équilibre financier des opérations de lotissement abordable.
Les obstacles liés à la viabilisation des lotissements
Des niveaux de services exigés peu compatibles avec les ressources des habitants ;
Les largeurs des voies déterminées par le PAU ne sont pas compatibles avec ce type de lotissement ni avec le caractère de certaines villes (oasis) ;
Les opérations d’ensemble prévues par les règlements de PAU ne sont pas faites pour les lotissements abordables.
Propositions préliminaires pour l’urbanisme
Réviser les législations urbanistiques et les pratiques en matière de transactions foncières, à défaut de pouvoir aider directement les acquéreurs et d’accepter les conditions d’un marché foncier libéral ;
Autoriser à court terme des dérogations ponctuelles au règlement d’urbanisme en matière de taille des lots, de largeur de voirie et d’emprises pour les équipements pour des opérations de petites tailles ;
Abandonner à moyen et long terme les formes d’habitat individuel au bénéfice du semi-collectif et du collectif, pour alléger la charge foncière ;
Réaliser les lotissements abordables au sein d’opérations d’ensemble simplifiées ;
Autoriser pour les opérations publiques des niveaux de services évolutifs ;
Réaliser des opérations de lotissement abordable de petite taille (moins de 5 ha) afin d’éviter l’effet de ghetto et les réservations d’emprises pour les équipements.
Propositions préliminaires pour le volet foncier
Constituer des réserves foncières communales dédiées aux lotissements abordables, à partir de lots récupérés dans les lotissements privés ;
Etablir un droit de préemption effectif qui reporte l’indemnisation après la réalisation de l’opération ;
Prendre des dispositions réalistes à même d’encourager le secteur locatif pour les plus démunis.
Propositions préliminaires pour le financement des opérations
Réviser le code de la fiscalité locale pour limiter les pratiques du gel spéculatif des terres ;
Instaurer une taxe sur les transactions foncières publiques et privées en zones urbaines et périurbaines payable en monnaie et/ou en terrains ;
Adopter une charte du financement des infrastructures urbaines ;
Prise en charge par l’Etat des extramuros pour les lotissements abordables ;
Adopter un dispositif de location-vente en association avec les entreprises de microcrédits.
Conclusion
Les deux verrous évoqués dans cette intervention sont difficilement contournables en l’état actuel des choses. Les actions proposées seront lentes à mettre en œuvre et leurs effets ne seront effectifs qu’à moyen terme. Pour le court terme, si l’on considère que les lotissements abordables sont d’utilité publique1, donc finançables par la collectivité nationale au titre des transferts sociaux, la solidarité nationale doit jouer en priorité pour les solutions préventives, du moins pour la viabilisation. Les contributions de l’Etat devront être programmées et entérinées par des programmes pluriannuels, impliquant et obligeant tous les secteurs concernés.
Dans la même foulée, une politique nationale complète du logement abordable doit être conçue et mise en œuvre avec des moyens humains, matériels et institutionnels adaptés.
Par Rachid TALEB – Architecte Urbaniste
Article paru dans Archibat n°63 – Février 2025, vous pouvez le commander ou vous abonner en ligne : https://archibat.info/shop/
