Excédé un de ne voir que des architectures de prestige et coûtant des tonnes d’argent dans la revue Archibat, j’ai réagi en disant que pour les architectes tunisiens, l’architecture est un produit de luxe et que leur génie s’attache à l’usage de formes et de matériaux qui doivent montrer que les propriétaires ont du goût et de la culture. Avec le nouveau Pritzker 2022 octroyé à Francis Kéré et l’exemple de Shigeru Ban, lauréat du Pritzker 2014 (voir article ci-après), on entrevoit des perspectives nouvelles qui devraient inspirer les enseignants et les étudiants. Il y a ici aussi du génie et de la créativité. Introduction par Rachid TALEB
L’architecte lauréat du Pritzker 2014 a déployé dans deux gymnases parisiens son système léger de tubes en carton et tissus pour y héberger d’urgence les Ukrainiens qui ont fui la guerre.
Afin d’héberger des réfugiés ukrainiens pour une ou plusieurs nuits, la Ville de Paris vient de mettre à disposition les gymnases Marie-Paradis et Victor-Young-Perez, situés respectivement dans les Xe et XIIe arrondissements. Des structures légères ont commencé à y être installées le 23 mars au matin par des membres de «Voluntary Architects’ Network», une organisation non gouvernementale créée par l’architecte Shigeru Ban en 1995, après le tremblement de terre à Kobe (Japon).
Une douzaine d’étudiants de l’école nationale supérieure d’architecture de Versailles sont venus leur prêter main forte. Mais «une cinquantaine» d’entre eux étaient volontaires, estiment-ils. Inscrits en 3e ou dernière année, ils voulaient «donner de leur temps» et «se rendre utiles pour les Ukrainiens par le biais de l’architecture». Quelques jours auparavant, d’autres apprentis architectes avaient fait comme eux – avec l’appui médiatique de Shigeru Ban – dans un ancien supermarché de la ville de Chelm, où les réfugiés de guerre transitent actuellement après avoir franchi la frontière polonaise.
Le dispositif architectural, inventé par Shigeru Ban et appelé «Paper Partition System» (système de cloison en papier), est simple à mettre en place. Il se compose de tubes en carton qui, une fois troués et assemblés, forment une structure poteaux-poutres. Celle-ci est ensuite habillée de tissus de manière à délimiter des unités d’hébergement d’urgence individuelles ou familiales. Les matériaux fournis font généralement l’objet de dons de la part de fabricants.
Avec une scie, du ruban adhésif, une paire de ciseaux et des épingles à nourrice, il est possible de monter en quelques minutes un espace de repos d’environ 2x2m, où deux personnes peuvent s’allonger sur des lits de camp. «Au gymnase Marie-Paradis, nous avons constitué 42 unités en seulement 1h30», indique Marc Ferrand, designer à l’agence chez Shigeru Ban Architects Europe. Il ne restait plus qu’à installer l’enveloppe en tissu d’ameublement.
«Il y a quelques jours quand j’étais en Pologne, j’ai vu des femmes ukrainiennes relâcher la tension et pleurer de fatigue une fois mises à l’abri dans l’installation que nous venions de réaliser pour elles, témoigne Shigeru Ban. Elles y retrouvaient un peu d’intimité. Et l’intimité est un droit humain fondamental.»
Source : Lemoniteur.fr